Depuis qu’Adobe domine le marché de la publication assistée par ordinateur (PAO), difficile de faire sans ses logiciels. Pourtant, l’abonnement à Creative Cloud représente un coût important, voire prohibitif, pour les entreprises et les particuliers qui ne font usage de ses applications qu’occasionnellement ou partiellement. Parmi les solutions concurrentes, la suite Affinity, de Serif. Alors, dans quelle mesure la suite Affinity constitue-t-elle une alternative sérieuse à la suite Adobe ? Sur quels critères ? Le point avec Franck Denis, graphiste et expert en PAO.
Que comprend la licence universelle à la suite Affinity 2 ? Pour moins de 180 euros par utilisateur, vous disposez d’une licence perpétuelle pour trois logiciels à télécharger sur votre PC, Mac ou iPad.
Affinity Photo
Développement et traitement des images
Affinity Designer
Illustration vectorielle et digital painting
Affinity Publisher
Mise en page de documents
Serif, un acteur qui a su se réinventer
Toute proportion gardée, l’histoire de cette entreprise basée à Nottingham rappelle un peu celle d’Apple à la fin des années 90, lorsque Steve Jobs relance la marque avec l’iMac et l’iPod.
Créée en 1987, Serif Europe commençait à s’essouffler avec sa gamme de logiciels “Plus” conçus uniquement pour PC. Leur difficile maintien face aux évolutions technologiques a conduit l’entreprise à revoir entièrement la conception de certains de ses produits. D’où la naissance de la suite Affinity.
Grâce à ce pari gagnant plusieurs fois récompensé (prix Apple Design Award 2015 et finaliste des applications macOS 2014), l’éditeur britannique revendique aujourd’hui plus de 3 millions d’utilisateurs dans le monde et bénéficie d’une notoriété qui ne cesse de croître. Jusqu’à présent, Affinity semble bien parti pour continuer à remporter des parts de marché.
Affinity, un environnement commun qui facilite le travail
Quoi de mieux que de pouvoir traiter à la fois la mise en page, les images et l’illustration, sans avoir à passer d’un logiciel à l’autre ? C’est le cas d’Affinity Publisher qui dispose d’espaces de travail (personas) donnant accès directement aux fonctionnalités de Designer et de Photo. Ce qui est impossible avec Adobe et rend par conséquent l’expérience plus conviviale et intuitive.
Affinity Designer, quant à lui, a été conçu pour gérer aussi bien les compositions vectorielles complexes que les images matricielles. Comme Affinity Photo, son espace de travail vous permet d’exporter vos planches ou vos éléments individuellement, ce qui en fait un outil d’UI (user interface) design parfait pour compléter les applis de prototypage qu’on trouve en ligne.
Affinity Photo ne dispose pas de pages ou de plans de travail, car il est avant tout conçu pour traiter des images. En revanche, les trois applications étant de conception similaire, il est tout à fait possible, en tenant compte des contraintes évoquées, d’ouvrir n’importe quel fichier de la suite sur les deux autres logiciels. C’est en cela qu’Affinity représente une véritable petite révolution !
Par ailleurs, tous les calques de réglage des trois logiciels disposent des modes colorimétriques niveaux de gris, RVB, CMJN et LAB. Nul besoin donc de modifier le profil d’un document pour faire des ajustements, comme changer la couleur d’une sélection par une autre de façon précise (référence Pantone ou Hexadécimale).
Un niveau de compatibilité acceptable avec les logiciels d’Adobe
Difficile d’imaginer devoir remonter ses fichiers sur Affinity par manque de compatibilité entre les logiciels des deux suites. Heureusement, les trois applications sont capables d’ouvrir un grand nombre de formats de fichiers, à quelques exceptions toutefois.
Le format natif d’InDesign n’est pas reconnu par Publisher, seulement son format d’exportation IDML. En outre, il ne vous sera pas possible de récupérer des pages en vis-à-vis au-delà de deux pages par planche, ni des mises en page liquide ou des objets interactifs. Quant à exporter un fichier Publisher dans un format InDesign, c’est impossible car les deux applications sont conçues différemment.
Affinity Publisher | Adobe InDesign | |
Solution cloud | ❎ | ✅ |
Gestion des pages et gabarits | Pas de page en vis-à-vis au-delà de 2 (pas de 3 volets) | Permet la mise en page liquide et les variantes de pages |
Traitement des images | Quasiment comme sur Affinity Photo | Obligation de repasser par Photoshop |
Traitement du vectoriel | Quasiment comme sur Affinity Designer grâce au persona | Limité à ce qu’InDesign peut traiter |
Traitement de l’interactivité des PDF | Se limite aux liens hypertextes | Assez puissant, même si certaines fonctionnalités ne sont pas prises en compte au format PDF |
Enfin, certaines fonctionnalités et filtres d’Illustrator et de Photoshop ne sont pas présents sur Affinity. Ceci ne vous empêchera pas de conserver le rendu, mais les éléments concernés seront soit fusionnés (objets dynamiques et filtres Photoshop), soit décomposés sous forme de tracés vectoriels.
Côté fonctionnalités, encore quelques manques, mais rien de vraiment gênant
Comme vu avec le niveau de compatibilité de Publisher, pris séparément, les trois logiciels n’égalent pas totalement leurs concurrents respectifs.
Des trois, Designer est sans doute celui qui souffre le plus de ces lacunes. Les outils Symétrie, Fronce et Dégradé de formes, pour ne citer qu’eux, manquent à l’appel. La vectorisation d’image n’est pas présente non plus. Vous pourrez cependant utiliser des applications gratuites en ligne comme Vector Magic, RouladeVector, Aspose ou Vectorizer.
Affinity Designer | Adobe Illustrator | |
Solution cloud | ❎ | ✅ |
Traitement des images | Quasiment comme sur Affinity Photo, grâce au persona | Très limité. Obligation de repasser par Photoshop |
Outils vectoriels | Beaucoup d’outils manquent à l’appel, mais les essentiels sont là | Des lacunes sur les formes primitives paramétrables |
Pinceaux et images matricielles | Le mix vectoriel/matriciel vous permet de faire des illustrations sophistiquées grâce aux pinceaux notamment | Moins performant et plus complexe à manipuler |
Gestion des calques | Chaque plan possède ses propres calques | Tous les plans de travail ont les mêmes calques, ce qui n’est pas simple pour s’y retrouver |
Si Affinity Photo est relativement complet, son Liquify Persona est loin d’égaler les outils de l’espace Fluidité de Photoshop. Quant aux personas Develop et Tone mapping, ils offrent moins de fonctionnalités et de paramètres prédéfinis que Camera Raw.
Affinity Photo | Adobe Photoshop | |
Solution cloud | ❎ | ✅ |
Objets dynamiques | La gestion des calques et des importations ne nécessite pas leur présence | ✅ |
Plans de travail | Pas utiles car Affinity Designer est là | ✅ |
Montage (gif, vidéo) | Pas de fenêtre | ✅ |
Filtres | Certains manquent | ✅ |
Outils de développement fichier RAW | Develop Persona a moins de fonctionnalités | Camera Raw offre plus de possibilités |
Gestion des hautes résolutions 16 et 32 bits | Pas de temps de latence, le logiciel tourne à pleine capacité | Quelques lenteurs et, parfois, des plantages sérieux, voire graves |
Affinity représente bien une alternative… sous certaines conditions
Si vous n’êtes pas déjà abonné à Creative Cloud et que votre critère principal est budgétaire, alors n’hésitez pas ! La suite Affinity vous donnera entière satisfaction.
Pour les utilisateurs d’Adobe qui montent également de la vidéo ou font de l’UX-UI design, il vous faudra trouver des logiciels alternatifs dans ces domaines avant de résilier votre abonnement.
Dans les deux cas, une formation sur la prise en main des trois logiciels vous fera gagner du temps et vous éclairera sur la bonne décision à prendre.
Ce qu’il faut retenir : pour toute personne dont ce n’est pas le métier et qui souhaite se lancer, ou qui n’a pas encore pris d’habitudes avec la suite Adobe, Affinity est une alternative crédible dont le rapport qualité-prix est plus que satisfaisant. Affinity répond à la majeure partie des besoins d’une personne qui produit des contenus destinés à l’impression ou aux supports digitaux. Pour celles qui travaillent depuis longtemps avec InDesign, Illustrator et Photoshop, elles pourront faire des économies substantielles, à condition de renoncer à certaines fonctionnalités auxquelles il est tout à fait possible de pallier. Reste à se former à de nouvelles techniques.