La course à la compétitivité et à la performance conduit les entreprises à travailler toujours plus en mode projet. La transversalité de ces derniers et la polyvalence des compétences sont des atouts indéniables, mais qui ne répondent pas toujours aux impératifs du « en même temps ». Comment les entreprises doivent-elles penser la gestion multiprojets ?
Votre entreprise recèle une mine d’or qui ne demande qu’à être exploitée : la force du travail de vos équipes. Mais vous manquez des opportunités, car vous réalisez les projets l’un après l’autre, alors qu’il existe des méthodes simples et des outils, permettant de gérer un grand nombre de projets en parallèle.
Véritable enjeu stratégique pour les entreprises, la gestion multiprojets répond aux problèmes de surcharge de travail et de respect des dates clés, tout en étant respectueuse des opérations courantes. Michel Carrière, expert en gestion de projet, nous parle de trois axes de développement incontournables si vous voulez maîtriser la gestion multiprojets au sein d’une équipe qui doit, dans le même temps, réaliser des activités opérationnelles.
Prioriser les projets à plus forte valeur ajoutée
Gérer un projet, c’est répondre à un besoin, un client ou encore un service. Dans le cas d’une entreprise fictive que nous appellerons Koodeta, nous avons besoin de répondre aux projets de nos nombreux clients en même temps qu’aux demandes de nos services internes. Pour répondre le plus efficacement possible à ces commandes, nous avons opté pour la hiérarchisation. Chaque début de mois, nous priorisons nos projets selon deux points : ceux ayant le meilleur rendement et ceux pour lesquels les ressources sont disponibles.
Hiérarchiser les projets
Rentrons dans le détail. Chaque projet est évalué sur plusieurs critères. Le premier critère identifie les projets obligatoires, réglementaires ou ultra-prioritaires. Le second évalue la rentabilité financière du projet. Les autres permettent de juger de l’alignement du projet avec la stratégie de développement de l’entreprise et la probabilité de réussite du projet. Les critères dépendent de vous. En voici quelques-uns :
- à quel point le projet contribue-t-il à l’avenir de Koodeta ?
- quelle facilité de réalisation ? (complexité, incertitude…)
- quels sont les risques pour l’entreprise ?
- quelle est la probabilité de réussite du projet ?
Chez Koodeta nous avons retenu ceux-ci :
- disposons-nous des ressources humaines et matérielles nécessaires à la réalisation du projet ?
- quelle est la rareté sur le marché, des ressources requises pour la réalisation du projet ?
- quel est le coût d’exploitation des livrables du projet pour Koodeta ?
- quel est le taux d’augmentation de la performance de Koodeta ? (Pour les projets internes)
- combien de clients ou de parts de marché, le projet permet-il de gagner ?
De cette façon, les projets sont évalués au regard des attentes business.
Une fois tous les projets évalués, nous ordonnons la liste en positionnant les projets prioritaires en haut, suivi des mieux notés par ordre décroissant d’intérêt.
Suivre les ressources clés
Le second point consiste à recueillir pour chaque projet, les prévisions de consommation de ressource pour le mois : financière, bureau d’étude, etc. Nous ne surveillons que les types de ressources dites « sous tension ». Chez Koodeta ce sont les architectes du bureau d’étude. Ces informations sont intégrées dans notre liste de projet.
Lancer les bons projets aux bons moments
Chaque début de mois, nous descendons cette liste en commençant par les projets prioritaires. Nous autorisons un lancement à condition de disposer de la capacité de réalisation de toutes les ressources clés suivies. Et après chaque autorisation, la disponibilité de ces ressources est actualisée avec les quantités qui viennent d’être engagées. Nous répétons cette démarche tant que nous avons en quantité suffisante toutes les ressources clés suivies.
Ce processus nous garantit que les projets lancés sont ceux prioritaires et les plus intéressants. Et comme nous ne dépassons pas notre capacité de réalisation, nous augmentons la probabilité de respecter nos engagements et la satisfaction de nos clients.
Et pour les projets qui ne sont pas lancés ce mois-ci ? Ils sont dans la liste de ceux à traiter le mois suivant. Comme nous sommes totalement transparents sur notre processus de gestion, nos clients connaissent et comprennent les raisons de nos décisions.
Optimiser l’utilisation des ressources
Se pose alors une autre problématique à la gestion multiprojets : tous les membres de notre équipe réalisent des livrables projets, en même temps qu’ils travaillent à des tâches quotidiennes de leur service.
L’outil choisi (MSProject server, Oracle e Business suite, Orchestra…) a forcément besoin des plans de charge détaillés et à jour. Pour cela, nous le connectons aux agendas des membres de l’équipe pour récupérer les informations de présence. Et pour ne pas nous noyer dans une gestion de détails, nous avons choisi le quart de journée comme base de calcul du temps de travail des collaborateurs. Nous avons intégré les activités BAU (Business As Usual) et les tâches des projets en cours dans l’outil. Je vous laisse imaginer les coûts et le temps dépensé pour mettre en place cet outil et former l’équipe.
En conséquence, nous avons abandonné cette idée pour deux raisons :
- la mise en œuvre nécessite un grand niveau de détail sur la planification des projets
- la mise à jour des données dans l’outil générait une charge de travail disproportionnée au regard de nos moyens humains.
Cette tentative a mis en évidence deux points importants :
- notre entreprise n’est pas prête pour ce niveau d’organisation ;
- la taille de l’équipe ne nécessite pas la mise en place d’un outil de surveillance et de maîtrise des activités aussi détaillées.
Avant tout un problème de disponibilité
Il a donc fallu analyser les écueils de notre tentative. Cela nous a amenés à considérer les capacités et les besoins réels de Koodeta. Nous avons alors choisi une solution moins technologique et moins précise, mais qui est peut-être plus adaptée aux besoins de notre service d’ETI (Entreprise de taille intermédiaire).
Il nous a semblé plus logique de ne pas pénaliser les tâches courantes de l’entreprise, c’est pourquoi nous avons demandé à chaque collaborateur quelle était son estimation du temps passé par semaine dans les activités récurrentes. Nous en avons alors déduit la quantité de travail disponible par semaine pour les projets : 20%, 40%, 60%… Nous avons utilisé ce ratio comme modérateur de la capacité de réalisation mensuelle des ressources projet dans le tableau de priorisation.
Ceci nous a permis d’envisager des plans de charge plus réalistes bien que macroscopiques. Et en même temps de prendre conscience des compétences les plus demandées. Ce qui a débouché sur l’embauche un ingénieur pour renforcer le bureau d’étude.
Concernant l’outil de planification multiprojets. Il se peut que nous envisagions de nouveau sa mise en œuvre. Ceci dépendra de notre croissance. Mais dans un premier temps, vu la taille de notre entreprise, cette approche macroscopique répond à notre besoin d’organisation.
Accélérer la cadence de livraison
Notre système de gestion multiprojets fonctionne depuis un an. Un nouveau type de projet est en cours de priorisation. Le besoin est clairement exprimé et nous avons toutes les ressources et les compétences requises pour le réaliser. Le problème est qu’il est gros et nous hésitons à le lancer tel quel parce que les chefs d’équipes manquent de visibilité sur la disponibilité des collaborateurs et des ressources matérielles au-delà de trois mois.
Deux solutions s’offrent à nous. La première est respectueuse des autres projets : le projet est mis dans le pipe (dans le processus). On espère alors que les projets en cours ne rencontreront pas de problèmes et qu’aucune urgence ne viendra ralentir le travail des équipes afin qu’ils se terminent rapidement.
La seconde possibilité est de forcer le destin : on met le projet sur le dessus de la pile. Dans ce cas, on arrête tous les projets en cours et on ne répond plus aux demandes opérationnelles. On concentre notre travail sur ce projet.
L’une ou l’autre solution comportent des avantages comme des inconvénients en pénalisant le reste des tâches et projets en cours.
Cette idée ne convenant pas à tous, nous avons envisagé une troisième solution plus équilibrée.
Le séquençage, la clé du succès
Tout d’abord, nous découpons le projet en phases plus petites en termes de quantité de travail investi et de durée. Ensuite, grâce à notre outil de priorisation, nous avons modifié notre organisation pour autoriser les lancements des phases en remplacement des projets. Les blocs de livrables et de tâches lancées étant plus petits, nous avons plus de facilité à réaliser en parallèle plus de projets, entrecoupés d’activités opérationnelles.
Et cette dernière technique nous a permis d’identifier les livrables similaires entre plusieurs projets et de les réaliser de façon unique.
Lire aussi : Pourquoi et comment clôturer un projet efficacement ?
En conclusion, la gestion multiprojets ce sont des méthodes de gestion simple à mettre en œuvre, qui nous permettent de respecter plus facilement les engagements de livraison de nombreux projets, tout en assurant les activités opérationnelles et en créant une ambiance de travail saine et apaisée. Ces méthodes s’adaptent au contexte métier : ils s’appuient sur des outils technologiques pour les grandes entreprises, mais ils peuvent être mis en œuvre avec un tableur ou un affichage visuel style paperboard pour les contextes plus simples.