L’épuisement professionnel ou burn-out est un sujet de préoccupation majeure. L’éclairage de Marine Gandouet, coach et formatrice, pour mieux le comprendre, le détecter et l’éviter.

Selon le 14e baromètre « État de santé psychologique des salariés français » d’OpinionWay pour Empreinte Humaine, 31 % des salariés sont exposés au risque de burn-out en 2025, dont 10 % à un niveau sévère (arrêt maladie avec risque d’hospitalisation et besoin d’accompagnement psychologique). Cela représente environ 2,5 millions de personnes.
Le stress au travail était par ailleurs la première cause d’arrêt maladie en France en 2022.
C’est pourquoi les RH jouent un rôle clé dans la prévention de l’épuisement professionnel pour préserver la santé des salariés et de l’entreprise.
Comprendre l’épuisement professionnel
Définition du burn-out
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit le burn-out comme un syndrome résultant d’un stress professionnel chronique qui n’a pas été géré avec succès.
Il se caractérise par trois dimensions :
- un sentiment de perte d’énergie ou d’épuisement
- une prise de distance croissante vis-à-vis de son travail, des émotions négatives ou du cynisme vis-à-vis de son emploi
- une réduction de l’efficacité professionnelle
Par ailleurs, le terme anglais « burn-out » signifie brûler jusqu’à ce que toute substance énergétique disparaisse. C’est donc l’action de se consumer entièrement. Autrement dit, une personne en burn-out se vide de son énergie, se sent épuisée physiquement, psychologiquement et émotionnellement, et développe un sentiment de dépréciation vis-à-vis d’elle-même. Cet épuisement prend sa source dans le cadre professionnel. Il se met en place de manière insidieuse, au fil du temps.
Il s’agit d’un déséquilibre entre les dépenses d’énergie et les ressources/gains d’énergie. Le problème n’étant pas la dépense d’énergie mais le fait de dépenser plus d’énergie que sa capacité à se régénérer.
Exemple : utilisé tout au long de la journée, un téléphone portable se décharge jusqu’à ne plus avoir de batterie. S’il n’est pas rechargé, il ne peut pas être utilisé à nouveau. Sa recharge est indispensable. Pour l’humain, c’est la même chose. En guise de régénération, il a besoin de temps de repos pour retrouver l’équilibre et faire face à ses dépenses d’énergie.
Causes de l’épuisement professionnel et facteurs de risques
Si les sources principales de l’épuisement professionnel s’expliquent par le monde du travail et la relation établie entre la personne et son travail, de nombreux autres facteurs entrent en jeu.
Dans son livre Guide du burn-out, comment l’éviter, comment s’en sortir, l’auteure Anne Everard fait l’état des lieux des différentes causes de l’épuisement. Voici une carte mentale qui en résume l’essentiel.
Certaines personnes ont ainsi un profil à risque, avec souvent le même type de caractéristiques.
En effet, elles sont :
- motivées
- très engagées dans leur travail
- perfectionnistes
- fiables
- plus à l’écoute du besoin des autres que de leurs propres besoins
En plus de cela, elles demandent peu d’aide.
Le rôle stratégique des RH dans la prévention
La prévention des risques psychosociaux (RPS) représente un enjeu pour l’ensemble des acteurs du monde du travail. Au-delà de l’aspect réglementaire obligatoire pour l’employeur, les actions de prévention sont précieuses pour l’entreprise pour préserver le capital humain et garantir la réalisation des objectifs stratégiques et opérationnels.
Identification des signes avant-coureurs de l’épuisement professionnel
Dans un 1er temps, savoir détecter le risque en repérant les signaux d’alerte d’épuisement des collaborateurs est essentiel. Les RH doivent donc accompagner les managers pour qu’ils développent leurs compétences d’observation et de questionnements.
1/ Les signes d’alerte à titre individuel
Voici une liste de questions liées à des signaux d’alerte que vous pouvez transmettre aux managers pour un 1er niveau de prévention.
La fatigue chronique/le manque d’énergie
Le salarié se plaint-il de manquer d’énergie pour réaliser son travail ?
Est-il toujours fatigué après des temps de repos (week-ends, vacances…) ?
Les troubles du sommeil
Rencontre-t-il des difficultés pour s’endormir le soir ?
Y a-t-il des ruminations ou des réveils nocturnes ?
Une perte de la joie/des émotions désagréables
Avez-vous des retours sur une perte de la joie ?
Ou sur une progression d’émotions désagréables comme la peur, la colère ou la tristesse ?
Le salarié est-il facilement irritable ?
Des problèmes cognitifs
Partage-t-il des difficultés pour se concentrer ou mémoriser, ce qui n’était pas le cas auparavant ?
Des douleurs physiques
Se plaint-il de douleurs physiques comme des maux de tête, de dos ou de ventre, ou encore des tensions, qui se répètent et s’installent dans la durée ?
Un isolement social
Avez-vous observé un repli sur lui ?
Par exemple : absence de temps de partage avec les collègues le midi, moins de discussions sur des temps off entre collègues, plus de télétravail…
Une diminution de la motivation
Manifeste-t-il des signes de désengagement/désinvestissement professionnel inhabituels ?
Ces indicateurs d’alerte permettent de situer le salarié sur une échelle d’épuisement.
Les managers peuvent ensuite proposer des tests complémentaires aux salariés, comme le MBI (test d’inventaire de burn-out de Maslach) ou le CBI (Copenhagen Burnout Inventory). Il s’agit d’amener les salariés à une prise de conscience, sans pour autant leur demander les résultats qui leur appartiennent.
2/ Les signes d’alerte au niveau de l’entreprise
À l’échelle de l’entreprise, d’autres indicateurs sont des marqueurs de la progression de l’épuisement.
Par exemple :
- Augmentation de l’absentéisme : retards, absences
- Croissance du nombre d’arrêts de travail
- Diminution de la productivité
- Dégradation des conditions de travail : accidents du travail
- Impact dans les relations interpersonnelles : tensions dans les équipes, démotivation
Au-delà de l’humain, les conséquences pour l’entreprise sont notamment :
Économiques, avec les coûts et pertes liés aux arrêts de travail
- Perte de chiffre d’affaires
- Charge de travail plus élevée pour les autres employés
- Éventuellement des coûts de formation liés aux remplacements
En termes d’image
- La marque employeur moins attrayante.
- L’image de marque est affaiblie.
[Se former]
Risques psychosociaux : mettre en place une démarche préventive
3 points clés :
- comprendre les enjeux liés aux risques psychosociaux (RPS)
- en identifier les principaux facteurs
- mettre en œuvre au sein de votre entreprise une démarche préventive du stress, du burn-out, du harcèlement moral et de la souffrance au travail
Exemples d’exercices pratiques :
- études de cas concrets
- jeux de rôle
- brainstorming
- autodiagnostic de ses pratiques de management
Ils en parlent :
« Une formation enrichissante et complète, même à distance ! Le contenu est structuré et permet une compréhension globale des RPS. Les échanges sont riches et complètent bien la théorie. La formatrice est très pédagogue et fournit des outils précieux ! »
[Lire aussi]
Risques psychosociaux : de la prévention à la formation
En s’appropriant cette problématique, les entreprises peuvent non seulement répondre aux attentes de leurs équipes, mais également construire un environnement de travail durable et porteur de satisfaction. Mais concrètement, comment procéder ?
La prévention, une politique RH qui s’exerce dans un cadre légal et réglementaire
Les obligations de l’employeur en matière de protection de la santé mentale des salariés
En vertu du code du travail, l’employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent notamment des actions de prévention des risques professionnels (art. L 4121-1). Autre obligation : évaluer les risques pour la santé des travailleurs (art. L 4121-3). Il doit aussi transcrire et mettre à jour dans un document unique les résultats de cette évaluation (art. R. 4121-1). C’est le DUERP ou document unique d’évaluation des risques professionnels.
Prévention, de quoi parle-t-on ?
Agir en prévention, c’est mettre en œuvre un ensemble d’actions afin de prévenir un risque. Ici, il s’agit de prévenir un risque d’épuisement de l’énergie vitale, cette ressource qui s’épuise.
Prévenir c’est : observer pour repérer le risque, mesurer pour alerter, agir pour stopper et retrouver l’équilibre.
Il existe 3 niveaux de prévention : primaire, secondaire et tertiaire.
PRIMAIRE : absence de signes d’épuisement, état d’équilibre.
SECONDAIRE : détection de signes précoces, début du déséquilibre.
TERTIAIRE : présence de signes d’épuisement avancés, dysfonctionnement et pathologies.
Pour chaque niveau, il est ainsi possible de calibrer des actions spécifiques.
Exemple d’actions à mettre en place par les RH
En prévention primaire : information, sensibilisation, formation
L’entreprise peut initier un certain nombre d’actions en prévention primaire alors qu’aucun signal n’est détecté. C’est l’idéal pour acquérir et développer des aptitudes qui maintiennent un état d’équilibre.
De nombreux formats peuvent être proposés sur le sujet de l’épuisement professionnel et de la gestion du stress, que ce soit pour les salariés ou pour les managers de proximité :
- Lettres d’information
- Conférences
- Sensibilisations
- Ateliers
- Formations
Par exemple :
Formez vos collaborateurs
La formation ORSYS Gérer son stress apporte des outils concrets pour faire face efficacement aux pressions et autres facteurs de stress. Grâce à une approche équilibrée entre théorie et pratique, les collaborateurs apprennent à identifier leurs sources de stress, à analyser leurs effets sur leur performance et leur bien-être, et à développer des stratégies pour en minimiser l’impact.
Exemples d’exercices concrets : autodiagnostic, brainstorming, pratiques de techniques de respiration et de relaxation, élaboration d’un plan d’action individuel.
Ils en parlent : « Formation centrée sur les personnes et pas uniquement sur la théorie. Les échanges apportent beaucoup à la formation. »
Informez vos collaborateurs
Exemples de ressources pour une newsletter :
L’article Mieux communiquer pour prévenir le burn-out montre comment le fait d’optimiser sa communication avec soi-même permet d’optimiser sa communication avec les autres. Il s’appuie sur l’exemple d’Emma, manager dans une entreprise de services à la personne.
Dans l’article Burn-out : l’action managériale au cœur de la prévention, la situation de Jeanne, monitrice-éducatrice dans une maison d’accueil spécialisée, illustre le rôle des managers dans la prévention du burn-out.
Enfin, l’article Comment manager sans s’épuiser ? se penche sur les solutions pour combattre l’épuisement professionnel des managers.
Invitez vos collaborateurs à une conférence en ligne
Plus ces formats sont opérationnels, plus la prévention est efficace. En effet, être en mesure d’identifier les signaux d’alerte d’épuisement et de mettre en place une routine pour se régénérer aide chaque salarié à se préserver face à des situations stressantes énergivores.
En prévention secondaire : mettre en place une organisation et des moyens adaptés
Si les premiers signaux d’alerte individuels sont déjà présents, des actions de prévention secondaires doivent être déployées tout de suite. Cela passe par :
1/ d’abord, une écoute
2/ puis, des actions à adapter au cas par cas
Par exemple :
- prendre rendez-vous avec la médecine du travail
- proposer une formation ou un accompagnement individuel sur l’épuisement
- aménager le temps de travail (proposition d’un temps partiel ou d’un télétravail)
- accompagner la reprise de poste après une longue période d’arrêt (proposer un entretien de reprise systématiquement)
Témoignage
Paul, responsable RH
Quand Sophie, chargée de projet, a repris après un burn-out, nous lui avons proposé un mi-temps. Cette transition lui a permis de retrouver progressivement son rythme, sans pression, tout en maintenant sa motivation. Son manager a pu mieux organiser la répartition des tâches tandis que l’équipe a gagné en cohésion en adaptant son fonctionnement. En tant que PME, nous avons tout intérêt à adapter nos modes de travail. Soutenir nos collaborateurs dans les périodes difficiles renforce en effet leur engagement et leur fidélité.
Que faire en cas de déni de l’épuisement professionnel ?
Une phase de déni peut être présente. Le déni est un mécanisme propre à chacun, dont l’intention positive est de se protéger.
Voici une bonne pratique à communiquer aux managers : rester factuel. Autrement dit, s’appuyer sur des observations concrètes.
Par exemple :
- Lucie, j’ai remarqué que, depuis un mois, tu ne manges plus avec tes collègues sur la pause du midi.
- J’ai aussi constaté que tu prends ton téléphone pour le consulter à chaque réunion, ce qui n’était pas le cas avant.
- Depuis 6 mois, j’observe que ta posture a changé. Tu te masses les épaules et le cou plusieurs fois par heure.
- Je m’inquiète car je constate que ces changements illustrent une tension physique, des difficultés de concentration et de l’isolement. Comment vas-tu ?
Malgré ce constat, le manager doit garder à l’esprit que l’acceptation peut prendre des mois. Les bons réflexes sont alors de rester à l’écoute, de partager ses observations factuelles et de questionner régulièrement « comment tu te sens en ce moment ? ».
Structurer la démarche de prévention en 4 étapes
Enfin, pour être efficace, il est essentiel de structurer une démarche concrète de prévention des risques psychosociaux.
4 étapes :
1/ Évaluer les RPS (via des questionnaires par exemple)
2/ Déterminer les leviers d’actions et élaborer le plan de prévention
3/ Mettre en place un système de veille
4/ Agir dans le cas de situations dégradées
En définitive, l’épuisement professionnel est présent dans toutes les entreprises. Il est insidieux et s’installe dans le temps. La prévention par l’entreprise et les RH est indispensable. Il s’agit d’observer pour repérer le risque, mesurer pour alerter, agir pour stopper et retrouver l’équilibre. Plus des actions concrètes seront mises en place avant tout signe d’épuisement, plus celui-ci sera limité. Les bénéfices se ressentiront tant sur la santé des salariés que sur celle de l’entreprise.
Bibliographie – Des ressources complémentaires pour aller plus loin :
- Guide des risques psychosociaux en entreprise – Caroline Moyat-Ayçoberry (Gereso, 2023, 7e édition)
- Prévenir les RPS et améliorer la QVCT : des outils pour agir efficacement – Élodie Montreuil (Dunod, 2023, 5e édition)
- Le Burn-out, comment le prévenir ou en sortir ? – Barbara Delbrouck (De Boeck Superieur, 2022, 1re édition)