La quasi-totalité des entreprises est dotée d’un ERP afin de piloter l’ensemble de ses flux liés à son activité. La totalité de ces ERP est pensée, organisée, structurée selon le modèle MRP (manufacturing resources planning). Sa vocation : gérer l’ensemble des données de l’entreprise. D’où l’émergence de nouveaux métiers dédiés. En quoi la prévision des données constitue-t-elle un élément clé pour l’entreprise ? Dans quelle mesure la performance de l’entreprise dépend-elle du niveau de performance du MRP ? Les explications avec Stéphane Chambard, formateur en supply chain et en performance industrielle.
Avant les années 90, les entreprises disposaient de systèmes informatiques (logiciels de gestion de la production assistée par ordinateur, gestion des ventes, logistique…) destinés à la performance d’un secteur de l’entreprise en particulier. Résultat : une multiplicité de systèmes d’information au sein d’une même entreprise, et de fait des problèmes de communication de ces informations entre les différents secteurs.
D’où l’avènement des systèmes informatiques de planification des ressources de l’entreprise (ERP) dans les années 1990 pour centraliser l’ensemble des activités quotidiennes de l’entreprise comme la comptabilité, les ressources humaines, les opérations de production ou encore la logistique.
L’ERP, le cerveau de l’entreprise
« Les entreprises ont intégré l’ERP afin de faciliter la gestion de l’information ». Cet outil ERP, adopté rapidement depuis, s’avère essentiel pour la gestion d’une entreprise. Il permet donc à celle-ci de disposer d’une source unique d’informations fiables. Puisque tout l’enjeu de ce système, c’est de prévoir ce que l’on va vendre. « Le nerf de la guerre, c’est la prévision ».
La totalité de ces systèmes informatiques se structure selon le modèle MRP. Un modèle de planification des besoins en composants reposant sur les prévisions de ventes qui a également connu des évolutions, pour aboutir au MRP tel qu’on le connaît actuellement.
Les évolutions du MRP Le système MRP2, développé au début des années 80, est la version modernisée du MRP. Quantité à produire et à quel moment… le MRP2 va plus loin : il définit aussi les ressources, la quantité et le moment appropriés pour réaliser la production. En d’autres termes, il s’agit d’une adaptation du MRP qui prend en compte les ressources humaines et les besoins en matériel. Principal avantage ? Réaliser une planification en prenant en compte l’adéquation charge/capacité de l’usine, proposer un ordonnancement à capacité finie et réaliser des calculs de coûts et un suivi précis de la production. |
Répondre aux exigences clients
Les entreprises ont besoin de flexibilité et de réactivité. Il faut, en effet, parvenir à répondre aux exigences clients et disposer ainsi d’un avantage concurrentiel. Et, les exigences clients en ce qui concerne les prix et services progressent de plus en plus vite. « L’entreprise s’adapte aux exigences de ses clients dans un monde de moins en moins stable. »
L’ERP est alors conçu pour apporter des réponses pour approvisionner, stocker, produire et distribuer. La vocation de cet outil est de gérer l’ensemble des données de l’entreprise, c’est le cerveau.
Taux de services On mesure la satisfaction clients en termes de taux de services. C’est, par exemple, la conformité d’une livraison en date, qualité, quantité, lieu… Si ces quatre critères sont respectés, la mesure atteint les 100%. La performance opérationnelle d’une entreprise repose sur ce taux de services. Pour l’industrie, le niveau d’exigence est très élevé, en général on se situe à 95%, d’où l’importance de la fiabilité de la prévision. Pour d’autres secteurs comme l’automobile et l’aéronautique, on avoisine les 99%. |
Qu’en est-il des exigences clients en termes de prix ? L’enjeu pour les entreprises, c’est de maîtriser les coûts inhérents aux produits, d’obtenir des résultats optimaux, avec le plus faible coût possible. C’est l’objectif du lean manufacturing.
Les outils intégrés à l’ERP pour gagner en performance
Parmi les progiciels de gestion intégrée (ERP) les plus connus, on trouve notamment SAP et Oracle. Une entreprise sur deux les utilise. L’ERP peut être couplé à d’autres logiciels informatiques, d’autant plus lorsqu’une activité de l’entreprise devient stratégique, qu’il s’agisse des achats, de la planification, de la logistique ou encore des transports.
Ces outils se nourrissent et alimentent tout le système de planification jusqu’à l’opérationnel, autrement dit toute la chaîne de production. L’objectif : faire le lien avec les données extraites de la base interne et la collecte des informations émanant de tous les services internes et externes à l’entreprise. À la clé, un gain de performance assuré pour l’entreprise. Parmi les outils, on trouve :
- Le SRM (supplier relationship management) : il s’agit d’un logiciel de gestion de la relation avec les fournisseurs. « Il est intéressant de développer cet outil »
- Le SCM (supply chain management) : il s’agit d’un logiciel de gestion de la chaîne logistique
- Le WMS (warehouse management system) : il s’agit d’un logiciel qui vise à optimiser la gestion des stocks des entrepôts et magasins
- L’APS (advanced planning and scheduling) : il s’agit d’un logiciel de planification avancée
« Si l’activité est stratégique, il est nécessaire de mettre en place le/les logiciel(s) y répondant »
« On aboutit ainsi à une activité plus performante et plus économique ». Ces économies réalisées, l’entreprise peut par conséquent les (ré)investir dans ce type de logiciels.
Pour répondre aux impératifs de réactivité, ces outils ne cessent d’évoluer. C’est le cas notamment des logiciels de planification avancée (APS). Les entreprises s’appuient alors sur de nouveaux outils d’analyse issus des nouvelles technologies plus faciles à utiliser. « La digitalisation des outils a ouvert le champ des possibilités et contribue aussi à la performance de l’entreprise. » Dans une grande majorité d’ERP, on utilise ainsi des tablettes tactiles davantage performantes. De quoi faciliter ainsi le travail de nouveaux acteurs de la supply chain identifiés comme tels, les prévisionnistes.
Gestion de production, des métiers qui évoluent
« La structure du MRP, personne ne la découvre. Il n’y a pas d’évolution majeure. Ce sont les métiers autour du MRP qui évoluent ».
L’entreprise doit se doter d’outils performants de prévision qui permettent aux acteurs d’être réactifs. Ces outils aident à fiabiliser les données. Il s’agit de pouvoir analyser une masse de données provenant de tout l’écosystème de l’entreprise et adapter rapidement ses prévisions dans un environnement en perpétuel mouvement.
D’où la démarche initiée par les grandes entreprises de recruter en externe des personnes uniquement dédiées au traitement de la fiabilisation des données… ou en interne. Ces personnes, identifiées comme telles au sein de leur entreprise, ont migré vers ces fonctions. Avant, il s’agissait de missions annexes confiées en fonction de l’organisation de l’entreprise.
Ainsi, depuis cinq ans émergent dans les entreprises des demand planner ou prévisionnistes. « Une bonne nouvelle, même si cela reste très surprenant qu’un certain nombre d’entreprises ne se soient pas posé la question de la fiabilité des données plus tôt ».
Au cœur de la supply chain
Côté formation, les prévisionnistes sont issus d’une école de commerce, d’ingénieurs ou diplômés d’un Master 2 spécialisé en logistique, supply chain, gestion industrielle ou encore en commerce international. Une expérience de deux à cinq ans en supply chain est généralement requise. Comme la maîtrise des progiciels de gestion, des outils bureautiques (Excel avancé), des logiciels de gestion de base de données (Access, SAS…), et des méthodes MRP2.
Rattachés à la direction de la supply chain, les prévisionnistes sont chargés d’alimenter le système informatique de prévisions les plus fiables possibles. L’objectif : optimiser les processus de production, d’approvisionnement, de gestion des stocks, afin de réduire les coûts de la supply chain et de garantir la disponibilité des produits. Les prévisionnistes travaillent en étroite collaboration avec les services vente, marketing, production et finance.
À l’origine du processus de prévisions et de la mise en œuvre de l’optimisation logistique, les prévisionnistes occupent donc une place centrale de plus en plus stratégique au sein des entreprises. D’où la nécessité pour les organismes de formation de concevoir des formations dédiées à ce métier d’avenir.