Offboarding ou outboarding ? Les deux termes recouvrent une même réalité. Les entreprises recrutent et intègrent leurs collaborateurs mais connaissent aussi des départs à accompagner. Or, le départ d’un collaborateur peut avoir un impact considérable sur leur organisation et leur performance s’il est mal géré. Alors, comment réussir cet offboarding ? Le point avec Sandrine Lejemble, experte en ressources humaines et management des organisations.
Les départs font partie de la « vie normale » d’une entreprise. En effet, il y a toujours un début et une fin à un contrat de travail, qu’il soit un CDD ou un CDI. Cadrer l’offboarding, également appelé outboarding, est une nécessité quel que soit le contexte du départ même si certains appellent à plus de vigilance. On pense en particulier aux démissions liées à une insatisfaction, par exemple en cas de décalage entre l’offre d’emploi et la réalité des missions. Vigilance également en cas de licenciement ou de rupture conventionnelle liée à un désaccord entre le salarié et l’entreprise.
Gérer des départs en forte hausse
Le taux de démission atteint 2,7 % en France au 1er trimestre 2022, selon une récente étude de la Dares. Il est au plus haut depuis la crise financière de 2008 ! C’est le « Grand Mercato », souligne de son côté le cabinet de recrutement spécialisé Robert Half. Selon son enquête Ce que veulent les candidats (mars 2022), les candidats au départ aspirent avant tout à un meilleur salaire (77 %). Ils recherchent également un meilleur équilibre vie pro/vie perso et une proximité géographique entre le domicile et le lieu de travail. La période est donc propice aux départs, ceux des uns entraînant des opportunités pour d’autres…
Ces départs ne sont pas sans conséquence pour les entreprises. Elles doivent non seulement maintenir l’activité mais aussi gérer le départ du salarié en coordination avec l’équipe en place. C’est-à-dire assurer l’offboarding du salarié.
Pourquoi l’offboarding est-il un savoir-faire incontournable dans les pratiques RH ?
Tout d’abord, l’offboarding facilite la gestion des départs sur le plan technique. Autrement dit, la sortie administrative du personnel. Mais il conditionne aussi et surtout la poursuite des projets, voire de l’activité. Enfin, il s’inscrit dans le prolongement de la marque employeur.
Assurer la poursuite de l’activité
L’offboarding est une démarche à privilégier pour soigner la transmission des activités et des compétences cœur de métier. Sans offboarding, le risque majeur est la dégradation de l’activité de l’entreprise. En effet, comment poursuivre les projets, voire l’activité, quand les dossiers et les compétences cœur de métier ne sont pas transférés ?
D’une part, les équipes seront impactées : absentéisme, charge de travail, désorganisation, baisse de motivation et d’engagement, climat social dégradé.
D’autre part, sans entretien de suivi sur le poste et les missions, comment rédiger une offre d’emploi la plus proche de la réalité du terrain ? Se passer de l’offboarding, c’est risquer de prendre du retard dans le recrutement. Par manque d’anticipation, l’entreprise se prive d’une transition entre le salarié qui part et la nouvelle recrue.
Véhiculer une bonne image de l’entreprise
Des départs successifs mal gérés peuvent venir perturber votre marque employeur. Sans offboarding, le risque principal est en effet de donner une mauvaise image de l’entreprise. Par exemple : après l’annonce de son départ, le salarié ne fait l’objet d’aucun suivi. Il est tout simplement « mis de côté » le temps de son préavis.
À l’heure des réseaux sociaux, sans compter les sites d’avis sur les entreprises, d’ex-salariés se sentant déconsidérés, voire mécontents, peuvent facilement relayer les mauvaises pratiques qu’ils ont essuyées au moment de leur départ.
Développer votre attractivité
Dans un marché de l’emploi pénurique, faire l’impasse sur l’offboarding peut donc exposer à des difficultés accrues de recrutement. Et donc à des postes vacants dans la durée.
Au contraire, avec l’offboarding, vous assurez une expérience collaborateur de qualité de son entrée à la sortie de l’entreprise. Les départs bien gérés contribuent ainsi à votre attractivité.
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Vous souhaitez initier ou optimiser votre démarche d’offboarding ? Voici les étapes clés incontournables pour définir et mettre en œuvre un plan d’action réussi !
Les principes fondamentaux du plan d’action offboarding
L’offboarding est piloté par la direction de l’entreprise et la direction des ressources humaines. Les responsables d’équipe y prennent part dans le cadre de leurs fonctions managériales en vue d’organiser l’activité.
1. Prendre en compte le parcours du salarié dans l’entreprise
Depuis son intégration dans l’entreprise – également appelée onboarding – à l’offboarding, le salarié a vécu différentes étapes. Son poste, ses fonctions, sa mission ont-ils évolué ? Peut-être a-t-il occupé différents postes, voire connu une promotion ?
Il s’agit ici de prendre en compte le parcours du salarié dans l’entreprise pour bien se séparer.
2. Remercier, apporter de la reconnaissance devant les autres
Saluer sa contribution dans l’entreprise, faire un focus sur la réussite d’un dossier ou d’un projet en particulier. Cette initiative apporte de la convivialité et maintient la dynamique de l’équipe dans un contexte de changement.
3. Rester en bons termes
C’est l’occasion de garder le contact dans un réseau professionnel partagé. D’autant plus si les personnes appréciaient de travailler ensemble. Dans ce cas, les RH peuvent envisager une future coopération, l’ancien salarié intervenant alors en tant que prestataire. Ou même garder la porte ouverte en vue de le recruter à nouveau en cas de besoin, car il dispose d’une expertise clé. On parle alors de recrutement boomerang. Une pratique assez fréquente dans certains secteurs d’activité ou métiers, tels que la presse, l’édition ou encore l’informatique.
Les actions concrètes du plan d’action offboarding
1. Identifier les potentiels départs de l’entreprise
Tous les deux ans, l’entretien professionnel est l’occasion de faire un point sur le projet professionnel du salarié. Lors de cet entretien, le manager s’intéresse à la faisabilité de son projet au sein de l’entreprise. Ici, l’idée est de fidéliser. S’il s’agit d’une reconversion professionnelle, il convient d’écouter sa démarche et de préciser avec lui les possibilités de transfert de compétences. Là, il s’agit de capitaliser sur son expérience.
Mais, au quotidien, cela nécessite aussi d’être attentif à la motivation et à l’engagement des salariés. En particulier, pour repérer tout changement de comportement et pour pouvoir les accompagner.
2. Faciliter la transmission des dossiers
Les missions du salarié contribuent au développement de l’entreprise. C’est pourquoi le manager doit faire le point sur les dossiers et leur état d’avancement. Cela lui permet d’anticiper l’impact du départ sur l’organisation de son service et donc de préparer la passation des dossiers.
Les points de vigilance à rappeler aux managers
– D’abord, anticiper suffisamment cette action pour la réaliser dans de bonnes conditions. Mieux vaut donc s’en préoccuper dès l’annonce du départ !
– Ensuite, associer les collaborateurs concernés à titre individuel ou collectif.
– Puis, formaliser le savoir-faire dans des documents de travail partagés.
– Enfin, assurer le suivi. C’est-à-dire, faire le point sur les dossiers traités, les compétences et méthodes transmises…
3. Prévenir et désamorcer les conflits
Deux bonnes pratiques de l’offboarding
La première consiste à communiquer de façon transparente. Cette communication émane en premier lieu des managers à destination de l’équipe, en second lieu des RH à destination de l’entreprise. Cela permet d’éviter les rumeurs sur les motifs du départ. Et donc de maintenir un bon climat social au sein de l’équipe et de l’entreprise.
La seconde est d’être attentif aux signaux faibles évocateurs de désaccords. Cela peut se manifester selon les personnalités par de l’impatience, un ton brusque ou au contraire une certaine nonchalance, voire le silence radio. Concrètement, cela signifie que le manager doit être à l’écoute, disponible, dans une posture de dialogue. Il peut aussi rappeler qu’en cas de désaccord il est aussi possible de partir dans de bons termes.
4. Réaliser un entretien de suivi qualitatif du départ
Selon la taille ou la configuration de l’entreprise, le directeur général ou le responsable des ressources humaines recevra en entretien le salarié sur le départ pour faire le point avec lui sur l’environnement de travail, les méthodes de travail, la relation avec les équipes et les clients.
Vous pouvez alors recueillir son ressenti. Qu’a-t-il apprécié ? Que pourrait-on améliorer selon lui ?
Cet entretien peut contribuer à faire évoluer les pratiques professionnelles, y compris en s’appuyant sur ce qui fonctionne déjà bien dans l’entreprise.
En ce sens, l’offboarding a toute sa place dans une démarche d’amélioration continue !
5. Recruter, faciliter la mobilité professionnelle
Au niveau RH, le risque c’est de vouloir recruter le même profil avec une longue expérience dans l’entreprise. Une perle rare difficile à trouver, donc.
Or, le salarié sur le départ connaît bien son poste de travail. Un entretien centré sur la définition du besoin en recrutement est donc l’occasion de lui demander les évolutions de son métier, les compétences clés et celles qui s’acquièrent au fur et à mesure. Ainsi, il vous aidera à élaborer le besoin en recrutement et les passerelles métier pour faciliter la mobilité interne.
C’est aussi une façon de reconnaître l’expertise et de valoriser le salarié.
6. Bien organiser le départ d’un point de vue administratif
Tous les documents de sortie doivent être remis au salarié dans les meilleurs délais.
L’entreprise planifiera la restitution du matériel et la fermeture des comptes utilisateurs des outils informatiques le dernier jour.
Vous pouvez vous appuyer sur une check-list offboarding comme pour la check-list onboarding.
Pour résumer, qu’est-ce qu’un offboarding réussi ? Cela implique avant tout d’entretenir une relation de qualité avec le salarié jusqu’à son départ. C’est aussi considérer et reconnaître son parcours professionnel. Enfin, c’est l’impliquer dans la transmission des compétences pour mieux planifier la succession en interne ou en externe.