L’ergonomie, pourquoi et comment s’en préoccuper ? Une mauvaise posture lors du travail sur écran peut générer des douleurs qui rendent le collaborateur moins efficace au travail, voire conduisent à un absentéisme. Aujourd’hui, on se préoccupe aussi du risque cardiovasculaire accru pour les travailleurs sédentaires. Les nouvelles organisations du travail peuvent augmenter ces risques : open space, télétravail, flex office, espaces de coworking. Alors, comment offrir à vos collaborateurs un meilleur espace de travail pour une meilleure qualité de vie au travail ? Tour d’horizon avec Murielle Monge, médecin du travail et formatrice spécialisée en ergonomie.
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L’ergonomie du poste de travail joue un rôle essentiel dans le bien-être et la performance des collaborateurs. En tant que professionnels des ressources humaines, vous avez une place centrale pour sensibiliser, prévenir les risques et optimiser les conditions de travail. Alors, comment procéder ?
Pourquoi l’ergonomie est-elle cruciale ?
Autrement dit, quels sont les risques d’une mauvaise ergonomie du poste de travail ? Une posture inadéquate sur un poste de travail engendre non seulement des troubles musculo-squelettiques (TMS) mais aussi des pathologies cardiovasculaires liées à la sédentarité.
Exemples :
TMS : douleurs articulaires, lombalgies, crispation des mains, souvent dues à des gestes répétitifs ou à une posture statique prolongée.
Fatigue visuelle : exposition prolongée aux écrans, contrastes lumineux inadaptés.
Risques cardiovasculaires et métaboliques : conséquences directes de la sédentarité prolongée.
Stress et charge mentale : aggravés par des espaces mal organisés et des interruptions constantes.
Chiffres clés :
Les TMS représentent 87 % des maladies professionnelles.
40 % des salariés se plaignent de douleurs dorsales.
La sédentarité augmente de 30 % les risques de maladies cardiovasculaires.
Qu’est-ce qu’une posture sédentaire ?
Au travail, il s’agit d’une posture assise, maintenue dans le temps et associée à une très faible dépense énergétique.
Agir en faveur de l’ergonomie est donc un impératif pour préserver la santé des collaborateurs et améliorer la productivité. Le service de prévention et de santé au travail (médecine du travail) conseille les employeurs et les salariés sur ce qu’il faut mettre en place.
Aménager efficacement les postes de travail
Le poste de travail standard se compose de six éléments clés.
Voici comment l’aménager au mieux :
1/ Le siège
- Adapter l’assise à la stature du salarié
- Fournir le mode d’emploi pour les réglages : très souvent, les sièges sont extrêmement modulables mais les salariés l’ignorent
- Prévoir un repose-pied pour les petites statures
2/ L’écran
- Régler sa hauteur pour éviter les douleurs cervicales
- Placer l’écran perpendiculairement aux fenêtres pour limiter les reflets
3/ Le clavier et la souris
- Choisir une souris adaptée à la taille de la main
- Placer les documents papier entre le clavier et l’écran
4/ Les éléments périphériques
- Garder les outils (téléphone, cahiers) à proximité pour limiter les postures contraignantes pour les épaules
5/ L’environnement lumineux
- Préférer des éclairages LED doux
- Éviter les zones déséquilibrées en luminosité
INRS – ED 924 – Ecrans de visualisation, santé et ergonomie
6/ L’environnement sonore
- Éloigner les zones calmes des espaces bruyants (cafétéria, entrées)
- Installer des cloisons antibruit
[À noter]
De nombreux aspects relèvent pour beaucoup du savoir-être du salarié. C’est pourquoi les RH ont un rôle important de sensibilisation. Par eux-mêmes, via les services généraux et grâce aux référents prévention.
En télétravail : quelques spécificités
Quatre domaines fondamentaux doivent en effet être maîtrisés pour naviguer sereinement dans cet environnement :
Organisation du travail
Évitez les réunions à la chaîne, prévoyez une pause de 10 minutes après une réunion de 50 minutes.
Posture
Alternez entre positions assises et debout avec un bureau adapté (le mange-debout dans la cuisine est une bonne alternative).
Pause visuelle
Ne placez pas l’écran face à un mur, le regard doit pouvoir s’échapper au loin.
Le flex office et le coworking : adapter l’ergonomie
Dans ces espaces partagés, les salariés doivent prendre le temps de s’installer correctement à chaque fois. C’est-à-dire : régler systématiquement le siège et adapter la hauteur de l’écran selon leur stature.
Quand vous changez de voiture, vous commencez par régler votre siège et les rétroviseurs avant de démarrer. C’est la même chose en flex office !
Il faut aussi :
- Prévoir des espaces de confidentialité pour réduire la charge mentale : en nombre suffisant et réservables en ligne
- Définir des codes de bonne conduite en flex office, réaliser un affichage, rappeler régulièrement les règles
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L’organisation du travail : un pilier de l’ergonomie
On n’y pense souvent pas de prime abord. Pourtant, l’organisation du travail impacte directement l’ergonomie.
Tout d’abord, les salariés doivent avoir la liberté de prendre des pauses quand ils le souhaitent. Instaurer des pauses régulières peut également permettre de créer un réflexe chez ceux qui ont le plus de mal à lâcher l’écran. Pour limiter la fatigue posturale et les risques cardiovasculaires, il est par ailleurs indispensable de se lever toutes les 30 minutes.
Astuce : encouragez les mini-réunions debout ainsi que des moments d’échanges physiques plutôt que tout par e-mail ou visio.
Ensuite, il est essentiel de limiter le stress lié à l’organisation.
Pour cela, les RH peuvent être les promoteurs de bonnes pratiques managériales.
Exemple : répartir équitablement les tâches, prévoir des créneaux « off » entre deux réunions.
Le cas typique à éviter : une demande urgente à 17h30, c’est risquer que le salarié renonce à la bonne posture pour terminer avant de partir.
Enfin, il leur incombe d’identifier les signaux de surcharge : retards, fatigue, absentéisme.
Les RH ont aussi un rôle à jouer dans le management hybride. Il s’agit d’accompagner les managers et les collaborateurs dans la pratique du télétravail. Définissez clairement les priorités et accompagnez les équipes pour réduire la sensation de contrôle excessif.
Quelques bonnes pratiques :
- Créer des tutoriels pour les outils digitaux
- Mettre en place une assistance informatique rapide (FAQ, dépannage)
- Accompagner les nouveaux arrivants dans un cadre parfois vide (télétravail partiel des managers et mentors)
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Former et sensibiliser les collaborateurs : la prévention est un levier indispensable
La prévention primaire permet d’agir avant l’apparition des douleurs.
Pour cela :
- Réalisez un diagnostic des postes de travail avec l’aide des préventeurs ou ergonomes
- Sensibilisez les collaborateurs aux réglages (démonstrations, checklists)
- Prévoyez des formations adaptées
[Formation]
La formation Travail sur écran : installer le poste de travail et prévenir les troubles musculo-squelettiques s’adresse aux responsables des services généraux, préventeurs, professionnels RH et plus globalement toutes personnes en charge de l’aménagement des espaces de travail. Mais il n’est pas rare que les entreprises y envoient des salariés référents ou volontaires. Par exemple : un salarié « référent des bonnes pratiques du travail sur écran » par service (comptabilité, achats…).
[La formation en action]
La pratique du Dr Murielle Monge
Lors d’une formation que j’animais pour un laboratoire d’analyses médicales, les salariés ont travaillé sur leur propre « cas ». Au quotidien, ils valident de nombreuses données sur ordinateur. En amont de la formation, je leur demande de m’adresser des photos de leur poste de travail. Puis, ils doivent lister les facteurs de risque (TMS, sédentarité…) et définir les points à améliorer. Cette approche pragmatique maximise l’impact de la formation.
Agissez également pour prévenir les risques des postures sédentaires !
Voici des exemples de visuels pour la prévention :
Ergonomie : une nécessaire collaboration avec les parties prenantes
En entreprise, plusieurs acteurs contribuent à une ergonomie efficace. Les RH travaillent main dans la main avec :
- le service de prévention et de santé au travail (ex-médecine du travail) qui conseille les employeurs et accompagne les salariés
- les préventeurs en santé (dans les entreprises de plus de 50 salariés)
- les services généraux qui assurent la maintenance des équipements (sièges, éclairages…)
- ainsi que les managers pour l’identification des besoins et l’adaptation de la charge de travail
Pour conclure, l’ergonomie au travail repose sur trois axes fondamentaux. D’abord, du matériel adapté : sièges, bureaux assis-debout, souris ergonomiques… Ensuite, une organisation optimisée incluant notamment des pauses régulières et une gestion de la charge de travail. Enfin, des actions de formation continue pour prévenir les risques. Mais une bonne ergonomie n’est pas seulement un confort, c’est une stratégie gagnante pour la santé, la motivation et la performance des salariés. En tant que RH, vous êtes les mieux placés pour insuffler cette dynamique et faire de l’ergonomie un atout clé de votre entreprise. Alors, n’oubliez pas de le rappeler aux équipes : bien s’installer et bouger régulièrement sont les deux piliers d’un environnement de travail sain.