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Quelle stratégie de formation pour attirer et fidéliser les agents ?

Publié le 9 juillet 2024
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Le secteur public est confronté à une crise des vocations sans précédent. Entre difficultés de recrutement et départ des agents vers d’autres horizons, la formation est une des pistes pour rendre son attractivité à la fonction publique. L’éclairage de Nicolas Chevalier-Roch, spécialiste en gestion des collectivités locales.

La formation pour attirer et fidéliser les agents

1 nouveau fonctionnaire sur 4 abandonne son poste. C’est ce que dévoile une étude de la direction générale de l’administration et de la fonction publique, publiée en février 2023. Cette décision est à chaque fois définitive. Elle trouve son origine dans le sentiment d’immobilisme que renvoie l’administration. Et à l’issue de cette expérience ratée, les démissionnaires n’envisagent plus du tout de travailler dans le secteur public.

Ce constat, associé à de nombreuses difficultés à recruter, a conduit le ministère de la Fonction publique à lancer une grande consultation des fonctionnaires à la rentrée 2023. En découle un plan « Fonction publique + » qui fait la part belle à la formation des agents au regard des problématiques recensées ces dernières années.

La formation des managers

L’un des premiers points mentionnés dans la consultation, ce sont les problèmes de management. Ils relèvent de l’organisation trop rigide des administrations. Le respect trop scrupuleux des organigrammes établis est néfaste tant pour l’efficacité que pour le confort professionnel. Il faudrait donc favoriser un management fonctionnel et une réflexion sur les process.

En outre, en l’absence de lien avec les services RH, les managers peuvent difficilement valoriser les efforts individuels. C’est un point essentiel à renforcer au sein de la fonction publique. Cela peut se faire à la fois par une meilleure intégration des services RH à l’ensemble des problématiques managériales. Ils sont encore trop souvent cantonnés aux seules problématiques du recrutement et de la paie. D’autant plus que le plan « Fonction publique + » prévoit un certain nombre d’outils pour faciliter la récompense des efforts personnels. Il s’agit à la fois :

  • d’une prise en compte des efforts personnels dans la composante indemnitaire de la rémunération ;
  • et d’une meilleure personnalisation du traitement des agents.

Mais, c’est surtout le manque de compétences managériales qui est pointé du doigt. En effet, il ne suffit pas d’être manager pour savoir gérer des équipes au quotidien.

L’enjeu, dans un cadre vécu souvent comme trop rigide, c’est de connaitre la réalité des marges de manœuvre. C’est essentiel pour exercer ses fonctions sans avoir l’impression de marcher sur des œufs à chaque décision. L’objectif ? Tout simplement que le manager puisse manager.

Un accompagnement renforcé dans la relation avec les usagers

Hausse des attentes et des exigences des citoyens, croissance des actes violents… Les agents rencontrent des difficultés dans leurs relations avec les usagers. C’est un autre point majeur identifié lors de la consultation et qui a débouché sur un grand plan d’action contre les violences (baromètre, indicateurs de suivi de la violence à l’encontre des fonctionnaires, mesures renforçant la protection des agents publics et les sanctions de leurs agresseurs). Mais, ce phénomène en dit aussi beaucoup sur la complexité de travailler au contact du public.

C’est pourquoi les compétences en matière de communication et de gestion de conflit doivent être renforcées par la formation. Qu’il s’agisse d’apprendre à mener un entretien avec un usager. D’adopter une posture rassurante ou de construire une argumentation claire et convaincante.

Par exemple :

Ce sont autant de savoir-être et savoir-faire qui sont essentiels tant pour le bien-être professionnel de l’agent au contact des usagers que pour les usagers eux-mêmes.

Une amélioration de la qualité de vie au travail via la formation

Trop souvent oubliée dans le secteur public, la question de la santé au travail y est pourtant primordiale. En 2023, malgré quelques améliorations, les agents territoriaux restaient globalement insatisfaits de leur qualité de vie au travail. C’est ce que souligne le dernier baromètre réalisé conjointement par la Gazette des communes et la Mutuelle nationale territoriale. Ainsi, près d’un sur deux considère que sa qualité de vie au travail diminue. Et trois sur quatre ressentent du stress en lien avec leur profession.

Un constat d’autant plus important que, dans le même temps, les fonctionnaires ont le sentiment que leur charge de travail ne cesse d’augmenter.

Qu’il s’agisse de santé physique ou mentale, les employeurs publics gagnent donc à renforcer leur politique QVCT (qualité de vie et des conditions de travail).

Deux points de vigilance :

1 – Ne pas oublier les travailleurs sédentaires

En effet, l’absence de contraintes physiques particulières ne signifie pas zéro risque. Pour preuve, les messages de santé publique sur l’importance d’avoir au moins 30 minutes d’activité physique par jour. Or, les risques musculo-squelettiques sont souvent absents des documents uniques concernant ces agents. Pourtant, l’usage d’outils numériques peut être à l’origine de tendinites ou de syndromes du canal carpien. De même, une mauvaise posture devant l’ordinateur peut engendrer des douleurs de dos. Enfin, l’environnement du bureau lui-même n’est pas toujours exempt de tout risque d’exposition à des substances dangereuses.

2 – Ne pas sous-estimer non plus les risques de burn-out qui se multiplient ces dernières années dans le secteur public

En effet, le nombre d’administrations condamnées en justice a explosé. Signe que cette problématique doit être davantage prise en compte. Ce risque doit être analysé autour du prisme proposé par l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité). Parmi les facteurs les plus fréquents dans la fonction publique, on peut trouver :

  • La mauvaise définition des objectifs
  • Les nombreuses interruptions pendant le travail
  • Les tensions avec les usagers
  • La confrontation avec la souffrance d’autrui

Ainsi, la QVCT pourrait faire l’objet d’une formation à destination des managers, des agents des services RH et des représentants des agents (comité social). Entre autres objectifs : lutter contre les abandons de poste et l’absentéisme, renforcer l’image de marque des recruteurs publics.

La formation des RH pour développer une plus grande flexibilité

Rejoindre la fonction publique est souvent synonyme de longue carrière. Une notion de plus en plus difficile à concevoir pour la plupart des jeunes intégrant le monde du travail. Pour beaucoup d’entre-deux, impossible de passer toute sa vie à faire la même chose. Un sentiment d’autant plus légitime que les carrières s’allongent avec l’espérance de vie.

Pour autant, la fonction publique est riche en diversité. Diversité de secteurs d’activité, entre santé, éducation, justice, collectivités locales… Mais aussi, diversité de responsabilités et de niveaux de compétences attendues. Sans oublier qu’on peut travailler dans toute la France en restant un fonctionnaire. Mais ces qualités sont difficiles à percevoir tant chaque administration a tendance à fonctionner en vase clos. En effet, les services RH pensent à leurs contraintes et aux services qu’elles ont à gérer. Et, souvent, n’accompagnent pas les perspectives d’évolution en dehors de ce cadre. Pour sortir de cette logique, le ministère enjoint l’ensemble des administrations à travailler dans une fidélisation au niveau de la fonction publique tout entière. En outre, des services de conseil en évolution professionnelle (CEP) sont désormais en place au niveau des administrations.

Une meilleure intégration des nouveaux outils numériques

L’âge moyen des fonctionnaires est entre 3 et 5 ans plus élevé que dans le secteur privé. Un état de fait qui explique en partie la difficulté de transition numérique du secteur public. En effet, les plus de 40 ans souffrent près de 3 fois plus d’illectronisme que les moins de 25 ans. Et dans la fonction publique, plus de 50 % des agents ont plus de 45 ans. Malheureusement, le besoin non satisfait de travailler avec des outils numériques est l’une des raisons qui poussent les plus jeunes à ne pas rejoindre la fonction publique.

C’est pourquoi les conséquences du vieillissement sur la transition numérique du secteur public doivent être mieux prises en compte par les managers publics.

Heureusement, les efforts mis en œuvre ces dernières années pour renforcer la transition numérique des services publics commencent à porter leurs fruits. C’est le cas avec la digitalisation de la plupart des procédures, mais aussi avec l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) dans certains process. C’est déjà l’IA qui aide les inspecteurs des impôts dans la vérification des éléments patrimoniaux déclarés par les contribuables. D’autres outils d’IA sont testés actuellement pour améliorer le ciblage des aides publiques aux ménages les plus modestes. Et, depuis octobre 2023, 1 000 agents volontaires testent la réponse assistée par l’IA aux requêtes des administrés.

Ces évolutions nécessitent toutefois un accompagnement important, soutenu par un plan de formation adapté. Autre piste : renforcer la place du tutorat et du mentorat pour faciliter les transferts de compétences entre agents. L’idée ? Que les nouveaux collaborateurs fassent bénéficier leurs aînés de leurs connaissances des nouveaux outils numériques. C’est le principe du reverse mentoring.

Ce qu’il faut retenir : la formation constitue une des réponses à la crise des vocations inédite que traverse la fonction publique. En investissant dans le développement des compétences, elle peut non seulement revitaliser ses effectifs, mais aussi les doter des savoir-faire essentiels pour restaurer un service public de qualité. Il faut surtout n’oublier personne en chemin : quel que soit le niveau de responsabilité, l’âge, la mission… l’ensemble des agents doit entrevoir, si ce n’est de nouvelles perspectives de carrière, le présage d’un épanouissement professionnel quotidien.

Notre expert

Nicolas Chevalier-Roch

Gestion des collectivités locales

Expert de la gestion d’équipe et de projet au sein du secteur public, il s’appuie sur plus de 10 ans d’expérience […]

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