Marchés publics, appels d’offres publics, commande publique… Des termes qui peuvent parfois s’avérer obscurs et rebuter les jeunes PME. Peut-être même aussi les moins jeunes… Mais, dans le monde des affaires, l’écart est mince entre défi et opportunité ! Alors, pourquoi et comment se lancer pour répondre à des appels d’offres publics ? Tour d’horizon avec Alain Wolgensinger, spécialiste de l’optimisation de la performance commerciale.
Qui aurait l’idée de se priver de 130 000 clients ? C’est le nombre de clients publics en France, selon la direction générale des entreprises au ministère de l’Économie. Donc autant d’opportunités pour les entreprises et leurs commerciaux d’étoffer leurs portefeuilles avec une clientèle solvable. En effet, les faillites de villes, départements ou régions sont rares ! Et pourtant… par méconnaissance ou crainte, peu d’entreprises osent candidater aux appels d’offres publics.
Marchés publics, appels d’offres publics, commande publique : mais, au fait, de quoi parle-t-on ?
Cela concerne les achats réalisés par les entités publiques. Plus précisément, on parle d’appels d’offres publics ou de marchés publics lorsque des entités publiques sollicitent les candidatures d’entreprises pour la fourniture de biens, de services ou de travaux. Le spectre de la commande publique est donc large : fournitures, travaux, services. Même un stylo à 1 € acheté par une mairie est considéré comme un achat public !
À noter : les appels d’offres publics sont publiés sur certains médias. On parle aussi d’avis de marchés. Selon le montant du marché, cette publicité peut être obligatoire.
Après examen des réponses à un appel d’offres, le contrat de marché public sera finalement conclu entre l’acheteur public et le ou les opérateurs économiques retenus.
Les marchés publics, est-ce pour moi ?
Voici les objections les plus courantes :
« Les marchés publics, est-ce vraiment intéressant ? »
En 2022, 160 milliards d’euros de commande publique ont été répartis entre 235 600 marchés. Ce sont les derniers chiffres clés diffusés par l’Observatoire économique de la commande publique (OECP) (Recensement économique de la commande publique – Chiffres 2022). Des chiffres sous-estimés car l’OECP ne recense obligatoirement que les marchés supérieurs à 90 000 euros HT.
« Les marchés publics, c’est surtout pour les grandes entreprises ! »
Et, selon le recensement de l’OECP en 2022, les PME ont remporté plus de 60 % des contrats publics (en nombre) ! Un résultat logique car un appel d’offres est généralement scindé en lots afin que le plus possible d’entreprises puissent candidater, peu importe leur taille.
« Les marchés publics, c’est uniquement pour le secteur BTP. »
Erreur ! Les travaux ont en effet représenté 27 % des marchés publics (en valeur) en 2022, bien moins que les services (44 %) ou même les fournitures (29 %). De son côté, l’assureur SMACL s’est vu attribuer plus de 100 millions d’euros en 2020. Informatique et télécom, droit et société, hygiène technique, assurance, énergie, restauration, alimentation, sport et loisirs, sécurité et sûreté, monétique, mobilier, bureautique, circulation, entretien, services à la personne, espaces verts… La commande publique fait appel à tous ces secteurs !
« Les marchés publics privilégient le prix le plus bas, sans égard pour la qualité. »
Vrai autrefois, cet aspect change. Ainsi, en 2022, 29 % des contrats publics incluent des clauses environnementales et 22 % des clauses sociales dans leurs critères de sélection.
Ces chiffres avoisinent même 50 % chez les entreprises publiques. Enfin, près de 65 % des contrats étaient à prix actualisables ou révisables en 2022.
« Les marchés publics n’offrent aucune transparence, ce qui favorise l’entente. »
Ce soupçon délétère du siècle passé doit absolument être balayé. Aujourd’hui, la transparence des procédures et l’égalité de traitement des candidats font partie des principes fondamentaux des appels d’offres publics. En outre, tout candidat éconduit peut légalement réclamer des explications !
« Les acheteurs publics paient toujours avec retard. »
Mauvais payeur, le secteur public ?
Rappelons que les délais de paiement des marchés publics sont réglementés : de 30 à 60 jours selon le type d’entités. Et les pénalités sont applicables sans que cela n’ait de conséquences sur leur éligibilité future.
Quelle stratégie pour gagner les appels d’offres publics ?
Voici l’exemple – inspiré d’un cas réel – de la PME TOUCLEAN spécialisée dans la distribution de produits et matériels d’hygiène et d’entretien pour les collectivités, l’hôtellerie-restauration, les entreprises de propreté et l’industrie.
Après une formation/réflexion intense, accompagnée par un consultant, TOUCLEAN finalise sa stratégie autour de 3 axes :
1/ d’abord, une préparation renforcée en amont
2/ ensuite, un traitement accéléré dans la réalisation du dossier via une efficience accrue 3/ enfin, un monitoring et un suivi aval pointilleux des appels d’offres remportés
1 – Préparation renforcée en amont
Intensification de son maillage géographique pour :
- optimiser ses tournées auprès des collectivités qui ne commandent jamais par camions complets
- obtenir un meilleur taux de remplissage de ses véhicules
Extrême sélectivité sur les appels d’offres
Plutôt que de viser tous les marchés publics dans son secteur activité, l’entreprise préfère cibler certains appels d’offres.
- Idéalement, ceux préannoncés sur le portail officiel APProch. Cela lui facilite en effet la collecte d’informations en amont auprès de l’acheteur public.
- Ceux uniquement situés sur les zones à densifier, quitte à coupler une approche ciblant entités publiques/entreprises privées pour gagner en économie d’échelle. « À quoi bon parcourir des kilomètres peu rentables ? »
- Ceux pour lesquels les acheteurs publics s’engagent (même moralement) à un lot minimum de commande (pour réduire les surcoûts logistiques unitaires). « Curieusement, cette obligation de quantité ou de montant minimum n’apparaît pas toujours dans un appel d’offres, ce qui peut réserver des surprises. »
- Ceux dont les critères d’attribution pondèrent le prix à 50 % maximum. Ceci pour laisser une place suffisante aux critères sociaux, techniques et environnementaux que l’entreprise tient à souligner.
- Ceux pour lesquels le ratio échantillons gratuits/volume CA ne dépasse pas un certain pourcentage. TOUCLEAN souhaite en effet maintenir une profitabilité suffisante.
2 – Traitement accéléré dans la réalisation du dossier via une efficience accrue
TOUCLEAN met d’abord en place un outil de gestion collective de projet pour :
- optimiser la gestion des ressources (temps-homme)
- s’assurer de l’implication de chaque département pour sa partie : traitement/réponse à l’appel d’offres, collecte des prix, calculs des coûts, respect global des délais. « Chacun doit savoir quoi faire et pour quand ! »
L’entreprise mise également sur une gestion centralisée des prix sur informatique pour :
- gagner en visibilité, en cohérence entre les différents appels d’offres en cours de soumission
- gagner en pouvoir de négociation via l’effet volume, tout en évitant de sursolliciter en urgence les fournisseurs
Autre action : un executive summary systématique en introduction du dossier soumis.
Ce rappel de l’essentiel utilise la méthode SONCASE, ci-dessous :
Il s’agit d’identifier ce qui, dans les produits ou la politique de l’entreprise, satisfait les motivations variées d’un acheteur – public ou privé. Les arguments les plus soulignés sont fonction des critères d’évaluation de l’acheteur public.
Par exemple :
- livraison en rayon = confort
- fiches produits rappelant les risques sur certains produits = sécurité
- faible dosage sur produits concentrés = argent
- recharges produits ou certification ISO 14000 = environnement
Usage accru et contrôlé du digital
Désormais, TOUCLEAN recourt de façon systématisée au DUME (document unique de marché européen). Régulièrement actualisé, il fait office de déclaration sur l’honneur qui permet aux entreprises d’attester de leur compétence et de leur situation financière auprès des acheteurs, selon le principe du « Dites-le-nous-une-fois ».
3 – Monitoring et suivi aval pointilleux des appels d’offres remportés
Évaluation après coup des appels d’offres remportés
TOUCLEAN a défini des KPI (indicateurs clés de performance) élargis :
- CA global par acheteur, en particulier en cas de marchés à bon de commande dans lesquels l’acheteur public ne prend pas d’engagement de quantité
- profitabilité de chaque livraison
- part de commandes en urgence dans l’ensemble des commandes
- part des à-côtés, comme les commandes particulières hors marché public
- critères qualitatifs (qualité de relation, par exemple)
Prise de contact systématique même en cas d’appels d’offres perdus
TOUCLEAN reprend ici l’idée que « le contact d’aujourd’hui deviendra le contrat de demain ». Et cela trouvera plus particulièrement une application sur le « gré à gré ». Autrement dit, les marchés ponctuels jusqu’à 40 000 € HT, déliés des obligations les plus strictes de la commande publique.
Quels résultats ?
2 mois : ce fut le temps nécessaire pour la mise en place de ces nouvelles procédures.
Dès la première année, TOUCLEAN a observé une amélioration de 15 % du ratio [dossiers déposés/dossiers remportés].
Et surtout, sa grille des prix est devenue plus cohérente et stable, offrant une meilleure visibilité aux fournisseurs et, partant, de meilleures négociations. Enfin, l’approche des acheteurs publics a regagné du lustre auprès des commerciaux terrain qui ont aussi vu l’intérêt de cibler les ventes hors contrat public.
Alors, êtes-vous désormais prêts à saisir toutes les opportunités que représentent les appels d’offres publics ?