L’immersive learning représente-t-il le futur de la formation ? S’il est trop tôt pour l’affirmer, cette technologie révolutionne déjà les modes d’apprentissage grâce à la réalité virtuelle. Mais pour quels métiers et compétences l’immersive learning est-il le plus bénéfique ? Quels sont ses avantages pratiques et ses limites ? Le point avec Gauthier Lamothe, spécialiste en pédagogie.
Tour d’horizon de ce que l’immersive learning peut apporter à la formation !
Immersive learning : définition
Immersive learning est un terme générique. Il caractérise tout type de formation utilisant la technologie pour donner l’impression à l’apprenant qu’il est bel et bien présent dans une situation virtuelle. De nos jours, il désigne majoritairement l’apprentissage de compétences via la réalité virtuelle. Ou VR pour virtual reality. Mais, au sens plus large, cela recouvre d’autres pratiques connexes, telle la réalité augmentée.
Immersive learning : quels impacts concrets sur l’apprentissage ?
La pratique en conditions réelles est évidemment un atout irremplaçable pour intégrer la réalité d’un métier. Toutefois, les conditions réelles sont parfois difficiles à mettre en place lors d’une formation. C’est pourquoi pratiquer périodiquement en conditions réelles et régulièrement en conditions virtuelles a de nombreux avantages.
D’abord, toute pratique répétée crée des trajets neuronaux dans le cerveau et les entretient. Autrement dit, les compétences s’acquièrent et s’ancrent grâce à l’entraînement.
Par exemple :
- s’éduquer à repérer certains détails visuels
- répéter une procédure dans l’ordre
- s’entraîner à certaines ritournelles verbales pour désamorcer un conflit
- s’exercer à émettre une contre-objection dans le monde de la vente
Ainsi, la VR permet de forger tous les réflexes qui serviront à la réalité. De plus, dans certains contextes, la différence avec la réalité est minime et le nombre de séances d’entraînement est bien plus élevé. L’immersive learning améliore donc l’ancrage des connaissances chez les apprenants, quel que soit leur secteur d’activité (ou presque).
Il devient possible de réactualiser du savoir régulièrement dans des situations rares que l’on ne peut pas provoquer volontairement. C’est un atout clé de la VR car l’apprentissage s’effectue via des cycles d’oubli et de réactualisation.
Enfin, les technologies de l’immersive learning, en particulier la VR, permettent de se focaliser sur une situation précise, en s’affranchissant du contexte précédant et suivant.
Quelques exemples concrets
Sur un plan très pratico-pratique, il devient par exemple possible de :
- répéter une manœuvre 50 fois dans une matinée, sans avoir besoin de remettre en place un environnement pédagogique à chaque fois
- isoler certaines tâches les unes des autres alors qu’elles ne pourraient pas être effectuées séparément en temps normal
Exemple :
Dans certains laboratoires, les normes de sécurité sont draconiennes et le temps d’utilisation de certains produits est très court. Les éléments chimiques sont instables ou radioactifs, souvent dangereux, et se désagrègent rapidement. Pour des raisons de sécurité, un seul opérateur à la fois peut introduire ses mains dans les gants intégrés au caisson de manipulation. De plus, il doit exécuter les procédures d’une seule traite. Par conséquent, un formateur ne dispose pas d’assez de temps pour commenter les étapes et insister sur les détails.
- fournir aux participants des partenaires de jeux de rôle très engagés
Exemple :
Lors de formations en gestion de conflit, il peut être difficile d’avoir des partenaires capables d’improviser et de camper un personnage avec conviction. L’immersive learning permet alors de s’entraîner à certaines interactions délicates. En effet, couplé à des intelligences artificielles génératives comme ChatGPT, l’immersive learning dispose de potentiels à explorer !
Découvrir également l’article : ChatGPT : quels usages en formation ?
Immersive learning et réalité virtuelle : cas d’usage en formation
La réalité virtuelle est bénéfique pour développer de nombreuses compétences, souvent en lien avec les spécificités d’un corps de métier.
Inaccessibilité physique
Exemple : manipulations effectuées par des techniciens devant se faufiler dans un espace confiné. Il peut s’agir d’opérations de nettoyage, réparation ou maintenance dans des puits, silos, canalisations… Dans ce contexte, former de nombreux techniciens avec la réalité virtuelle présente un intérêt certain, à la fois en termes de budget et d’espace physique nécessaire.
Ici, pour la formation de six techniciens de maintenance spécialisés :
Éthique
Dans le domaine médical, l’apprentissage de certains gestes nécessite de nombreuses heures de pratique. La réalité virtuelle facilite alors le confort d’apprentissage et permet l’erreur. Et l’erreur est indispensable pour apprendre…
Commodité
Exemple : dans le secteur du génie climatique (climatiseurs industriels de grande taille).
À la suite d’une formation, un des participants indique que la réalité virtuelle est finalement la plus utile dans l’utilisation de modèles 3D de leurs machines. En effet, les nouveaux techniciens en formation enfilent un casque et peuvent alors analyser chaque pièce mécanique sous toutes les coutures, en trois dimensions, et démonter chaque partie à la vis près.
À noter : l’immersive learning est en revanche peu utilisé dans le monde du logiciel puisqu’il s’agit déjà d’un environnement malléable à l’infini.
Immersive learning : quel matériel ?
Dans le monde de la VR, le matériel utilisé sera typiquement un casque. Soit un casque haut de gamme avec son propre système de son et d’image, soit un casque dans lequel on glisse un téléphone portable. Cet outil peut également être assorti d’écrans ou de tablettes pour que les participants regardent la progression d’un condisciple.
Dans certains cas, il est utile de pratiquer la duplication vidéo. Cette pratique consiste à reproduire les gestes du formateur en temps réel. Le formateur porte alors une caméra reliée aux téléphones des participants (s’il y a la possibilité d’installer une application mobile). À défaut, la caméra est reliée à des tablettes fournies à cet effet.
Lorsque les participants ont besoin de se déplacer dans un espace en 3D, on parle de salle immersive. Le CAVE VR system ou l’AET Zone sont des exemples de solutions déjà éprouvées, mais dont l’installation sur mesure demande un budget conséquent. Exemple : pour des détecteurs de mouvement, de 20 000 € à plusieurs centaines de milliers d’euros. Certaines technologies contiennent parfois des objets et des stimulations physiques (courants d’air chaud ou froid, odeurs). Ce type de formations concerne le secourisme et les interventions en conditions dégradées avec travail d’équipe (incendie, éboulement…).
Immersive learning : obstacles, limites et défis
La pire raison de recourir à l’immersive learning est le prestige.
L’usage de la VR doit être motivé par l’amélioration de l’expérience utilisateur chez les apprenants. Mais sur quels critères la mesurer ?
Les indicateurs de performance
Trois indicateurs de performance se démarquent.
- L’ancrage des connaissances
- La capacité à résoudre des problèmes
- Le temps de formation
Dans les très grandes entreprises, il est aisé de choisir des métriques et d’effectuer des tests.
Exemple 1 :
Comparer la rétention de l’information chez un groupe de collaborateurs bénéficiant de l’immersive learning et chez un groupe ne l’utilisant pas. C’est d’ailleurs le cas d’une célèbre chaîne américaine de supermarchés qui possède la puissance de feu nécessaire pour conduire ce genre de tests. La réalité virtuelle augmenta tellement les performances que cette chaîne possède maintenant des centres de formation VR dédiés à la supply chain et à la vente.
Exemple 2 :
Une autre entreprise américaine, leader dans le secteur du poulet frit, possède également des centres de formation aux États-Unis.
La VR lui permet de former des opérateurs à la cuisson du poulet frit en 10 minutes au lieu de 25, tout en évitant de gâcher de la matière première.
Selon une étude du Capgemini Research Institute, 82 % des entreprises ayant implémenté l’immersive learning considèrent que la réalité virtuelle a soit satisfait, soit dépassé leurs attentes. Les collaborateurs qui en bénéficient demandent plus de formations. Et leurs performances sont meilleures.
Exploiter les données
Les interactions des participants avec tel ou tel élément de la simulation sont consignées dans un registre automatisé. Cela permet de repérer les points de friction d’une formation et de l’améliorer.
Exemple :
Avec HoloLens, un constructeur de poids lourds a amélioré la formation en contrôle-qualité des moteurs grâce à la réalité augmentée qui donne aux opérateurs un accès en temps réel aux outils d’aide à la décision
Pour des entreprises de petite et moyenne envergure, il convient de se demander à partir de quelle échelle l’immersive learning est profitable, tant en termes de budget que de temps de formation. Le défi sera peut-être de choisir un partenaire fournissant l’analyse de données. Ce, pour améliorer la qualité de la formation sans pour autant faire exploser les coûts en traitant tous les paramètres en interne.
En conclusion, l’immersive learning tend à se positionner comme une modalité incontournable de la formation. Tandis que se démocratisent le big data et l’intelligence artificielle, ses solutions deviennent en effet de plus en plus accessibles. En intégrant l’expérience utilisateur et la gamification, l’immersive learning améliorera encore la qualité des formations.