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Comment prospecter et vendre aux grands comptes

Publié le 3 décembre 2024
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Vendre aux grands comptes nécessite de comprendre leurs spécificités. Un grand compte n’est pas forcément un compte avec lequel on réalise un important chiffre d’affaires. C’est sa structure qui détermine l’appartenance à cette catégorie. Alors qu’est-ce qui caractérise précisément la vente à un grand compte ? Quelles stratégies adopter ? Quelles actions mettre en œuvre ? Les explications de Philippe Baschoux, expert en management commercial.

Illustration d'un commercial gérant des grands comptes

Qu’est-ce qui caractérise la vente aux grands comptes ?

Contrairement à une idée reçue, un grand compte n’est pas une entité avec laquelle on fait un gros chiffre d’affaires (CA). Il s’agit en réalité d’une compagnie d’envergure nationale et souvent internationale dont la structure est complexe. Centralisés ou locaux, les centres de décision comportent de nombreux acteurs clés qui interviennent dans des choix plus stratégiques que techniques ou fonctionnels. De grands ministères, de grands établissements territoriaux peuvent être également rangés dans cette catégorie.

Vendre aux grands comptes nécessite une connaissance parfaite de tous les circuits de décisions, pas seulement économiques, et des acteurs clés qui les lient ou les divisent.

Coexistent également des enjeux politiques entre le groupe central et les entités locales. Les luttes de pouvoir y sont fréquentes. Un terrain truffé de pièges qu’il faut avoir la capacité de détecter et de désamorcer, ce qui demande de l’expérience, du savoir-être et surtout de la patience.

1. Cartographier un grand compte

Pénétrer un grand compte, c’est mettre les pieds sur un territoire qu’il faut connaître parfaitement afin d’y évoluer dans les meilleures conditions possibles. Pour ce faire, vous devez donc pratiquer une cartographie du compte.

Cette action, qui peut prendre plusieurs semaines voire plusieurs mois, consiste à identifier tous les acteurs clés qui interviennent directement ou indirectement dans tous les processus de décision.

Pour chacun de ces acteurs, il importe de connaître :

  • leur position en interne : ont-ils le vent en poupe ou au contraire sont-ils mis de côté ?
  • les limites de leur réel pouvoir : par exemple, le pouvoir d’établir une short list entre des fournisseurs, n’est pas, sur un grand compte, un pouvoir de décision…
  • leur rôle exact, non tel pas qu’ils vous le présentent, mais tel qu’il leur est octroyé par la hiérarchie. Quelle est leur position vis-à-vis de votre société ou de votre offre ?

En bref, il faut mettre en équation chacun des acteurs clés et voir sur lesquels vous pouvez vous appuyer pour avancer vos pions. Quelles sont leurs sources personnelles et professionnelles de motivation ?

2. Identifier le potentiel de chaque entité du grand compte

Un grand compte est représenté par des dizaines d’entités, de filiales, d’établissements, parfois à travers le monde entier. Il s’agit donc d’identifier la « brèche » dans la « muraille ». Où allez-vous porter vos efforts ?

Le potentiel de chaque entité doit être mesuré à l’aune d’une unité d’œuvre commune à toutes. Potentiel ne signifie pas chiffre d’affaires sur lequel s’engager, mais vision prospective de ce que l’on pourrait, à terme, projeter de produire à partir d’une entité.

Selon votre métier, ce que vous vendez, l’unité d’œuvre sera différente : nombre de cadres à équiper, superficie à traiter, tonnage à produire, chiffre d’affaires réalisé avec les clients, part du CA externalisé… Ce potentiel est calculé sans tenir compte de la place occupée par les concurrents, donc dans l’absolu. Ensuite d’autres indicateurs, tels les indices de probabilité, viendront pondérer le potentiel pour exprimer un objectif réalisable… Pourquoi donc mesurer ce potentiel ? Pour deux raisons essentielles :

  • Porter ses efforts qui sont toujours longs, surtout pour de la prospection, sur des entités permettant d’amortir cet investissement
  • Comparer objectivement le potentiel du portefeuille octroyé aux commerciaux…

3. Développer une stratégie de pénétration du grand compte

Les premières étapes consistent à cerner le terrain sur lequel vous allez évoluer via la cartographie. Connaître vos interlocuteurs, repérer ceux qui vous aideront, comprendre leur motivation, mesurer le potentiel, bref, dresser votre « carte d’état-major ». Il faut ensuite passer à l’attaque, c’est-à-dire choisir le point faible que vous aurez le plus de chance de percer.

En revanche, identifier une entité sur laquelle une « douleur » (the pain) peut être non perçue comme telle aujourd’hui, mais pourrait l’être demain (dans une démarche prospective), vous permet de vous positionner avant vos compétiteurs. De plus, vous allez créer de la valeur avec ce client car vous lui offrez une aide importante pour faire face aux défis à venir.

Comment détecter cette « douleur » existante ou potentielle ? Rencontrez des VITOs, comprenez la stratégie de développement des grands comptes, identifiez les luttes internes, appréhendez l’évolution des métiers sur lesquels sont positionnés vos clients, tant au point de vue environnemental que technologique, fonctionnel, réglementaire, politique, humain…

4. Mettre en place un plan de développement structuré

Le chemin est long pour accéder à une vente sur un grand compte. Il est donc essentiel de posséder des points de repère qui permettront de mesurer l’avancée du projet. De plus, un certain nombre d’informations, recoupées, vérifiées, sont indispensables pour conduire avec succès les affaires en cours.

Pour y parvenir, il faut utiliser ce que les Anglo-saxons nomment un milestone. Il s’agit de la liste des grandes étapes allant de la découverte d’un intérêt potentiel pour votre offre jusqu’au delivery, c’est-à-dire la mise en œuvre de la solution chez le client.

Composé de 8 à 12 étapes en principe, ce plan de développement a pour but de structurer la démarche commerciale en autant d’étapes qui donnent lieu à l’obtention de livrables, c’est-à-dire d’informations pertinentes permettant d’envisager sereinement de poursuivre l’investissement et les efforts sur le compte. Toute stagnation d’une étape révèle un point de blocage qui doit être traité. Par exemple : ne pas avoir pu identifier tous les circuits de décisions, ne pas avoir rencontré tous les acteurs concernés, ne pas savoir si le client ressent une « douleur », s’il a su la chiffrer… Autant d’incertitudes qui pèsent sur votre projet.

Ce plan de développement structuré conduit les commerciaux à construire leur plan d’action commercial. Premier objectif : obtenir des informations manquantes. Deuxième objectif : suspendre provisoirement ou définitivement les affaires qui ne sont pas de réels projets stratégiques pour vos clients, ou qui ne sont pas budgétées au niveau des VITOs…

Ainsi, la force commerciale peut concentrer son énergie sur les projets plus prometteurs et les plus dignes d’attention. Ce plan de développement évacue le ressenti du commercial trop subjectif qui engage une énergie parfois considérable…

5. Renforcer la phase de qualification du besoin

En quoi consiste la phase de qualification du besoin, l’une des étapes essentielles du plan de développement évoqué ci-dessus ?

Tous vos clients ont des besoins, exprimés ou non, ce qui ne signifie pas forcément qu’ils sont prêts à acheter. Les VITOs ont-ils conscience de l’intérêt qu’ils ont à adopter vos solutions ? Mesurent-ils le manque à gagner s’ils s’en passent ? Sont-ils dans une vision prospective qui justifie un investissement non indispensable aujourd’hui à leurs yeux ? En fonction de l’évolution réglementaire, géopolitique, organisationnelle, environnementale, économique et concurrentielle, cet investissement se révèlera-t-il indissociable de la pérennité du compte ?

Souvent, afin de posséder un coup d’avance sur la concurrence, le commercial grands comptes doit éduquer les VITOs, influencer ensuite leurs critères de décision, rencontrer le vrai décideur – l’expérience démontre que sur un grand compte c’est rarement l’acheteur -, faire du lobbying sur le compte, avoir un « sponsor ».

Par ailleurs, les opérationnels vont émettre un besoin. Mais un client ne pourra jamais vous demander ce qu’il ignore.

La valeur ajoutée du commercial consiste non pas à répondre stricto sensu à ce que demande son interlocuteur (surtout opérationnel), mais à engager la direction de l’entreprise dans une vision plus large, intégrant une démarche prospective.

Pour cela, apprenez à interroger le « quoi » (l’intérêt) plutôt que le « comment » (la solution imaginée et exprimée). N’oubliez pas que l’expert, c’est vous !

Trop souvent bâclée, elle entraîne déception et dépense d’énergie inutile… Un point de repère ? À l’issue d’une phase de qualification de besoin correctement menée (et c’est parfois long), plus aucune objection technique, fonctionnelle ou financière ne doit pouvoir apparaître… Sauf évolution technologique, réglementaire, politique ou géopolitique imprévisible. La veille a pour objectif de restreindre cette possibilité.

6. Faire du lobbying sur un grand compte

L’importance du lobbying dans la vente aux grands comptes est essentielle. Du fait des montants engagés notamment, il faut privilégier l’approche « top » management, plutôt que celle auprès d’opérationnels. De nombreuses décisions dans les entreprises et dans la vie publique sont prises pour des raisons autres que celles que l’on pourrait imaginer.

Ce que nous achètent nos clients, c’est rarement ce que l’on croit leur vendre.

Pierre Drucker, économiste.

À vous donc de faire preuve de créativité.

Le commercial grands comptes, son manager ou son DG doit s’évertuer à croiser la route des VITOs. Cela ne veut pas forcément dire les appeler pour prendre rendez-vous, car cela ne serait possible que si vous étiez un acteur incontournable du marché, dans une compagnie de taille importante et que vous réalisiez déjà un CA visible pour les VITOs.

En revanche, ces acteurs stratégiques assistent à des conférences, participent à des séminaires de haut niveau, sont membres de réseaux d’affaires (par exemple le Wine and Business Club). Il existe toute une littérature sur ces réseaux et sur la façon de les intégrer. Là, dans un contexte déconnecté de leur entreprise, vous pourrez les croiser, échanger vos cartes de visite, préparer un court pitch elevator avec pour objectif d’obtenir un rendez-vous… Attention, ces réseaux répondent à des règles éthiques. On y avance à pas comptés, on ne sort pas son catalogue de sa poche…

Ensuite, lors du rendez-vous, engagez avec eux une conversation où vous oublierez la technique, le fonctionnel et vos produits pour les aborder en utilisant le Co-prospective®. Cet outil de l’intelligence économique permet de connaître l’environnement de l’entreprise, son évolution, son niveau de maturité et les motivations personnelles de vos interlocuteurs… Ainsi, vous préparerez le terrain à des approches ensuite plus orientées solutions.

7. Infiltrer le grand compte grâce à un « sponsor »

Parfois appelé champion dans la littérature commerciale, le sponsor est un acteur qui, pour des raisons qui lui sont propres (mais jamais vénales, code éthique oblige), est prêt à vous livrer des informations qu’il ne devrait pas vous communiquer en temps normal. Attention à ne pas confondre quelqu’un de favorable à votre offre (pour des raisons logiques, factuelles) et un sponsor.

Il faut environ 6 mois en moyenne pour établir une relation de confiance, créer des liens étroits et progressivement le tester. Par exemple, c’est ce « sponsor » que vous pourrez appeler la veille d’une réunion importante et qui vous donnera des informations précieuses. C’est vers lui que vous vous tournerez si l’acheteur évoque un concurrent de dernière minute la veille de la négociation. Vous déjouerez alors la tentative de bluff dont vous êtes victime.

Dans un autre registre, la série Le Bureau des légendes qualifie ce sponsor d’espion Celui-ci dispose d’un seul officier traitant, vous, qui avez su en faire votre « sponsor ». Il n’agira pas de même avec un autre de vos collègues. Un lien personnel s’est créé.

Grâce à ce « sponsor », vous apprendrez tous les secrets des acteurs clés, leurs alliances tactiques, leurs mésententes, leurs ambitions…

8. Renforcer la probabilité de remporter une affaire

La démarche commerciale grands comptes vise des affaires de haute intensité, c’est-à-dire répondant à des besoins stratégiques pour le client, pour des montants très élevés. Il faut donc viser a minima un taux de transformation des affaires de l’ordre de 70 %.

Ce taux de transformation n’est pas le fait du hasard. Il résulte d’un travail précis, selon des règles spécifiques. Cette démarche méthodologique, le milestone, permet de prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter les mauvaises surprises. Par exemple : « qu’est-ce qui pourrait induire un risque et auquel à quoi je n’ai pas encore pensé ? ». Elle permet aussi d’examiner le terrain sur lequel on évolue (la cartographie) et d’obtenir toutes les informations nécessaires (grâce au « sponsor »).

Une affaire sur un grand compte peut se mettre en équation. Avec l’expérience, vous pouvez identifier les invariants qui se sont présentés systématiquement dans les réussites et les échecs passés. Résultat : vous renforcez quasi obligatoirement vos probabilités de succès. En revanche, si ces éléments manquent, votre projet est mal engagé.

D’une façon générale, il faut considérer au maximum 15 items, avec pour chacun d’eux 2, 3 ou 4 possibilités qui octroient des points au projet.

L’addition des points obtenus, ramenée au nombre maximum de points possible, donne un pourcentage ou une probabilité de réussite.

Il importe que la plupart de ces items soient mutables. Par son travail, son engagement, sa ténacité, le commercial pourra, au fil des mois, améliorer son score… Si rien ne bouge, il faut alors changer de commercial, ou bien abandonner l’affaire car elle est trop risquée.

9. Éviter le mélange des genres

La vente aux grands comptes nécessite des qualités spécifiques. Il faut aimer enquêter, se projeter, interroger. Cela requiert un investissement important en temps. Dans certains domaines, comme l’IT ou les ESN, il faut parfois attendre un an, voire plus pour recueillir les fruits de son travail.

Cela signifie qu’il faut en tenir compte dans la rémunération du commercial grands comptes, qui percevra moins peu souvent des commissions, mais pour des CA importants.

L’erreur la plus souvent observée dans la plupart des structures, à l’exception des structures américaines, est de confier au même individu quelques grands comptes qui demandent une énergie folle et un investissement temporel important et, pour lui assurer un revenu régulier, des PME ou de grosses entreprises qui n’entrent pas dans la catégorie grands comptes.

Comme il est plus facile, moins onéreux en temps et en énergie de travailler sur des « petits » comptes, le risque est que le commercial ne se focalise pas suffisamment sur les grands comptes et ne puisse y développer du business vraiment profitable. Il ira au plus simple et au plus rémunérateur à court terme, ce qui humainement se comprend.

En résumé, si vous décidez de mettre en place une structure grands comptes, commencez par 2 ou 3 entités avec un commercial, en ne lui confiant aucun autre compte. Versez un salaire fixe lui permettant de prendre le temps de s’investir sereinement. Dans un second temps, fort des premiers succès, vous pourrez nommer un second commercial sur 2 ou 3 autres entreprises. Enfin, vous pourrez mettre en place une direction commerciale grands comptes, avec des key account manager ou des global account manager si ces comptes sont internationaux.

Avant de vous lancer dans la vente aux grands comptes, réfléchissez donc à l’opportunité de vous y consacrer. Prévoyez les ressources nécessaires et les résultats attendus. De même, formez votre force de vente afin qu’elle aborde la vente aux grands comptes dans les meilleures conditions. Enfin, faites-vous accompagner par un consultant ayant une réelle expérience. Vous éviterez ainsi des erreurs et vous aiderez vos commerciaux à réussir.

Notre expert

Philippe BASCHOUX

Management

Diplômé d’Etudes Supérieures en Coaching personnel (Paris 8), il est coach certifié en Process Communication Management® […]

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