L’hôpital, pourtant lieu du « prendre soin », est devenu la scène d’agressivité envers les soignants. Quel soignant hospitalier n’a jamais eu à faire face à un patient agressif dans l’exercice de son métier ? Comprendre les causes et les manifestations de cette violence est crucial pour y faire face efficacement. Alors, comment les soignants hospitaliers peuvent-ils prévenir et mieux gérer l’agressivité des patients à leur égard ? Quelles techniques de communication peuvent aider à désamorcer de telles situations ? L’éclairage de Sandrine Massoc, infirmière spécialiste des méthodes de communication soignants/soignés.
Médecins, infirmiers, sages-femmes, aides-soignants… Les personnels soignants à l’hôpital sont deux fois plus nombreux que les autres actifs à subir des comportements agressifs dans l’exercice de leurs fonctions (selon le baromètre de la Mutuelle nationale des hospitaliers réalisé par Odoxa en mai 2022). 64 % des infirmiers et aides-soignants ont déjà subi au moins une agression et tous, ou presque, sont confrontés au quotidien aux insultes et aux menaces.
Par ailleurs, selon une enquête réalisée par l’Ordre national des infirmiers en mai 2023, les secteurs les plus impactés par l’agressivité sont les Urgences et la psychiatrie. De plus, 75 % des infirmiers ayant répondu au questionnaire déclarent avoir été victimes ou témoins d’insultes dans leur exercice professionnel (sur l’ensemble de leurs années d’exercice dans la profession).
Agressivité, de quoi parle-t-on ?
L’agressivité est difficile à définir puisqu’elle varie selon les courants de pensées : psychologie, philosophie, biologie. En biologie, c’est un comportement au service de la vie et de l’affirmation de soi, dans le but de satisfaire ses besoins.
Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), « l’agressivité est une réaction psychophysiologique préméditée ou impulsive caractérisée par un comportement hostile (d’attaque ou de défense) dirigé contre une cible considérée comme une menace ».
Elle se manifeste envers les autres, soi-même ou envers des objets. L’agressivité peut être physique (coups, crachats, utilisation d’armes) ou psychologique (insultes, humiliations, menaces, propos racistes ou sexistes).
L’agressivité peut revêtir plusieurs formes :
- active : les personnes montrent leur agressivité
- passive : les personnes ne montrent pas leur agressivité mais peuvent avoir des propos culpabilisants ou humiliants
Par exemple : un patient qui ne vous regarde pas ou ne vous répond pas quand vous entrez dans la chambre.
Comprendre les causes des comportements agressifs
Les comportements agressifs des patients ou de leurs familles sont dus à de multiples facteurs. Incompréhension du temps d’attente trop long, langage médical parfois trop complexe, barrière de la langue, douleur continue. Mais aussi peurs multiples : peur de l’hôpital, de l’annonce d’un diagnostic grave, de la mort.
À cause du manque de temps et de personnel, les soignants sont eux-mêmes stressés, parfois peu disponibles pour écouter les patients, ce qui peut créer de l’angoisse et de la frustration pour ces derniers. Pour rappel, le mot « patient » ne signifie pas « celui qui patiente » mais « celui qui souffre ».
Comment mieux gérer l’agressivité
« La violence est l’expression tragique de besoins non satisfaits » selon le fondateur de la Communication NonViolente, Marshall Rosenberg. Si une personne ressent de la colère, c’est qu’elle a des besoins non satisfaits. Par exemple : le besoin de comprendre, de considération, de sécurité, d’attention… Il est important de repérer ces besoins pour mieux gérer une situation d’agressivité.
Face à une personne en colère, vous pouvez pratiquer deux techniques de la relation d’aide : l’empathie et la reformulation.
[Se former]
Les soignants face à l’agressivité et la violence
Quel soignant n’a jamais eu à faire face à l’agressivité dans l’exercice de ses fonctions ? Que faut-il répondre ? Quelles actions mettre en œuvre ? Une analyse de situations sous l’angle individuel, du service, des équipes et de l’institution.
L’empathie
Écouter avec attention et sans jugement ce que vous dit le patient vous permet de lui montrer que vous cherchez à le comprendre et à trouver une solution. La psychologue Isabelle Filliozat rappelle que « c’est parce que notre part frustrée n’a pas reçu d’accueil qu’elle est violente ». Cette première étape est cruciale : en voyant que quelqu’un l’écoute et cherche à l’aider, la personne peut s’apaiser.
Attention toutefois, car comprendre ne veut pas dire être d’accord : ce n’est pas parce que vous tentez de comprendre une personne que vous êtes d’accord avec ses propos ou son comportement.
La reformulation
Une fois que vous avez écouté ce que dit la personne, reformulez ses propos pour lui signifier que vous avez bien compris ses attentes. Il existe plusieurs techniques de reformulation : écho, synthèse, miroir… La reformulation demande beaucoup de tact et d’attention.
Enfin, proposez des solutions et argumentez vos décisions toujours dans le respect et l’ouverture.
Pour résumer, quelles étapes ?
Écoute active
Écoutez attentivement de ce que dit la personne. Gardez votre calme et votre sang-froid. Pensez d’abord à vous mettre en sécurité. Exprimez vos limites, passez la main, appelez à l’aide si la situation est trop difficile pour vous. Si vous êtes dans le couloir, proposez à la personne d’aller dans une pièce à part, au calme et pensez à prévenir vos collègues du lieu où vous vous trouvez. Laissez-la s’exprimer. En se sentant entendue, elle vous écoutera en retour.
Reformulation
Reformulez ce qu’elle vient de dire pour clarifier ses besoins et montrer que vous cherchez à la comprendre. Prononcez des mots simples et des phrases courtes. Utilisez régulièrement le nom de la personne pour personnifier l’écoute.
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Solutions et argumentation
Proposez des solutions, argumentez une fois que la personne a pu s’exprimer, exposez la possibilité d’avoir commis une erreur.
Pensez à vous
Après l’événement, si vous en ressentez le besoin, parlez de ce que vous avez vécu à un collègue ou à une personne de confiance pour vous libérer de la charge émotionnelle et du stress. N’oubliez pas de tracer l’événement à l’oral et par écrit.
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Communication verbale et non verbale : quelle posture/attitude face à une personne en colère ?
À faire | Cela signifie aussi |
Respectez une distance de deux mètres entre vous deux si cela est possible. | Ne touchez pas une personne en colère. |
Restez calme. | Ne criez pas plus fort que la personne, ne répondez pas en étant vous-même agressif. |
Laissez-la s’exprimer. | Ne lui dites pas qu’elle a tort, ne lui coupez pas la parole. |
Donnez-lui toute votre attention. | Ne faites pas autre chose en l’écoutant (taper à l’ordinateur, être au téléphone…). |
Ayez une attitude d’ouverture et d’écoute. | Ne soufflez pas en signe d’impatience, ne levez pas les yeux au ciel, ne croisez pas les bras. |
La gestion des comportements agressifs des patients occasionne une charge de travail supplémentaire pour les soignants. Chaque situation est unique et demande une réponse adaptée et singulière. Pour éviter l’escalade conflictuelle, il sera donc primordial de maîtriser ces techniques de gestion de crise. Les formations ORSYS pourront vous y aider.