Les PME se demandent souvent comment maximiser leurs chances de succès lorsqu’elles répondent à des appels d’offres du secteur privé. Quelles sont les stratégies qui fonctionnent ? Le point avec Alain Wolgensinger, spécialiste de l’optimisation de la performance commerciale.
Faites le test et vous serez édifiés : si vous tapez l’expression « appels d’offres » sur Internet, quasiment toutes les réponses concerneront les appels d’offres publics. Pourtant, le poids du secteur privé dans l’économie dépasse celui du secteur public. D’où tout l’intérêt d’affûter votre stratégie de réponse aux appels d’offres privés, après avoir peut-être fait de même dans le domaine de la commande publique.
Premier constat : sans contact direct, les appels d’offres du secteur privé sont une chimère. De tels contrats se « chassent ». Alors, comment une PME peut-elle faire pour convaincre un grand compte ?
Appels d’offres remportés par les PME : la preuve par l’exemple
L’expérience de plusieurs PME dans l’industrie ou les services est édifiante. Elles ont en effet réussi à convaincre d’importantes sociétés de leur faire confiance. Quelques exemples :
- Buracco (fabrication de vannes papillons et vannes clapets) pour TotalEnergies (un des leaders mondiaux de l’extraction et raffinage de pétrole)
- Filhet-Allard Maritime (courtier en assurance) pour CMA CGM (un des leaders mondiaux du transport maritime et logistique)
- Laulagun Bearings (conception/fabrication de roulements de grande taille) pour Siemens Gamesa (un des leaders mondiaux dans la fabrication des éoliennes)
- Systech (fabrication de cartes électroniques assemblées et câblage filaire) pour Airbus (constructeur aéronautique leader mondial)
Ce qu’on peut en lire/entendre au travers d’articles de presse spécialisée ou d’interviews à la télévision ou à la radio a valeur d’exemple.
Je résumerai leur stratégie en O-ABCD-W.
Première étape d’une stratégie de réponse aux appels d’offres privés
O comme Oser
- C’est d’abord oser côtoyer d’autres entreprises, souvent plus grandes en taille, ressources, réseau, références…
- Mais aussi, oser se confronter aux normes de ce prospect grand compte : conformité, qualité et fiabilité, exigences de technique et de personnalisation… Des normes sans doute variées et strictes car on n’est pas leader sans raison (durabilité, performance, conditions d’exploitation…).
- Enfin, c’est oser affronter le scepticisme dans le regard du prospect (Goliath face à David). Un scepticisme inévitable, mais logique quand un client envisage de donner sa confiance à un nouveau fournisseur, PME de surcroît !
Nombre de consultants le diront : ce dernier point est sans doute le plus différenciant. Car peu de PME se croient capables de convaincre, s’estimant trop petites.
Elles peuvent garder à l’esprit cette phrase de Franck Riboud (PDG du Groupe Danone de 1996 à 2014) lors d’un entretien donné à une école supérieure de commerce :
L’approche ABCD pour remporter les appels d’offres privés
A-ttentes
La compréhension approfondie des besoins du client est essentielle : pourquoi cet appel d’offres se présente-t-il ? Il faut y investir du temps pour comprendre ses attentes spécifiques et analyser ses spécifications techniques :
- quelles sont les performances attendues ?
- quelle durabilité ?
- quel niveau de qualité ?
À retenir :
Délais et budget seront utiles car ils permettent d’évaluer les couperets :
- la limite financière
- la date limite pour décider
Faire flèche de tout bois sur cette étape est fondamental. Dans une démarche d’intelligence économique, il est avisé de :
- éplucher en profondeur les articles et reportages dans les médias
- solliciter l’équipe commerciale pour les remontées de terrain
- idéalement, organiser au moins une réunion exploratoire avec l’équipe du client
- profiter d’une visite d’entreprise (proposée par son organisation professionnelle ou sa CCI)
- se rencontrer lors d’un salon professionnel
- profiter/arranger une rencontre lors d’un forum, autour d’un parcours de golf, etc.
Ainsi, tout est bon pour clarifier les attentes et détailler les priorités du client. Et mieux encore, pour révéler ses craintes profondes : guerre des prix, nouvelle technologie, changement sociétal… Les apaiser pourra aider à convaincre le client.
B-énéfices
C’est alors la phase de la proposition de valeur, idéalement unique car personnalisée.
Elle sera bien évidemment adaptée pour répondre aux attentes identifiées… voire les dépasser !
C-aractéristiques
Comment les bénéfices promis sont-ils possibles ?
C’est le moment de lister tous les arguments pour convaincre de leur pertinence et de leur faisabilité :
- Livraisons régulières dans les endroits reculés ?
- Services en temps réel (télémaintenance, télédépannage…) ?
- Service client à flexibilité étendue (hotline 24/7, multilingue) ?
- Solutions standards pour le quotidien ou sur mesure pour les cas exceptionnels (imprimante 3D chez le client pour créer une pièce de rechange en urgence) ?
- Stocks d’articles critiques en consignation pour garantir le client contre tout arrêt d’exploitation ?
- Etc.
L’exemple de Stéphane
Stéphane* est un jeune PDG, concepteur de solutions de e-commerce spécifiques sur environnement SalesForce (une référence). Ancien consultant, il pense pouvoir cibler de grands groupes du CAC40.
Mais il réalise vite qu’il lui faut absolument se présenter comme une entreprise structurée pour être crédible. C’est alors sa mère (sous son nom de jeune fille) qui l’aidera comme DRH officielle. Sa sœur sera son ingénieur-conseil. Son père organisera la logistique.
Pour apparaître comme une PME ambitieuse, il participe chaque année au salon de référence du secteur à Las Vegas.
Progressivement, cette stratégie portera ses fruits auprès de sa cible. Aujourd’hui, son entreprise compte plus de 150 collaborateurs entre USA et France.
*Prénom modifié
D-émonstration de votre expertise/maîtrise
Une étape cruciale pour achever de convaincre et éviter que le client ne rejette votre proposition derrière un « trop beau pour être vrai » ou « ils sont trop petits pour y arriver ». À ce stade, ne lésinez surtout pas ! Souvenez-vous en effet qu’il est difficile pour un géant de croire que la petite entreprise en face de lui sait faire (et parfois même mieux que lui).
Présentez tous vos éléments :
- études de cas détaillées et expérience acquise sur des projets similaires réussis
- présentation d’un visuel : prototype, plan 3D, pièces complexes réalisées par le passé, schéma, diagramme de Gantt démontrant une maîtrise et une projection par étape
- labels et certifications (type ISO et similaires)
- données quantitatives et mesures d’impact (par exemple, surcroît de performance des éoliennes)
- rappel des compétences et du parcours des collaborateurs (un tel a travaillé sur tel projet, tel pays, telle technologie)
- références et témoignages clients sur la thématique et/ou sur l’engagement de l’entreprise (sens de la qualité, du service, polyvalence pays, etc.)
L’objectif ? Que zéro objection du client ne tienne : il doit être rassuré.
Pour finalement aboutir à W : l’effet W-aouh. C’est-à-dire déclencher chez le client l’effet de surprise positive : il peut faire confiance à ce nouveau fournisseur. Bref, vous avez gagné !
Appels d’offres : des effets bénéfiques sur le long terme
Tous vos efforts fournis en amont sont triplement bénéfiques. En effet, une telle victoire est transformative par son impact profond et à long terme :
1. Une croissance accélérée
- Forte augmentation du chiffre d’affaires via votre nouveau client
- Voie ouverte à de nouveaux contrats en jouant sur cette référence client
2. Une amélioration des capacités
L’exigence d’un grand compte oblige à raffiner les processus internes et améliorer les compétences techniques et organisationnelles.
La confiance : une question d’espace-temps
C’est l’histoire d’un équipementier automobile français qui avait tenté de travailler pour un constructeur automobile au Japon. En vain. Il pensait donc tous ses efforts perdus. Mais le constructeur japonais décida un jour de se déployer en Europe. Choix logique : il se tourna vers des équipementiers locaux, dont un Français… en qui il avait confiance.
3. Une reconnaissance du marché
- Grâce à une notoriété et une réputation renforcées dans votre secteur
Et si toutefois cela devait ne pas aboutir, faites vôtre cette pensée de Nelson Mandela : « Je ne perds jamais : soit je gagne, soit j’apprends ».