Fondamental dans le métier de commercial, l’art de négocier est un savoir-faire qui demande de la subtilité et maîtrise. Pour ORSYS, Jean-Claude Sattonnay, expert formateur et consultant en organisation des entreprises, déroule les étapes d’une négociation bien menée, notamment au regard du contexte sanitaire et l’ère du distanciel qui en découle.
Négocier : un jeu relationnel
La négociation est un processus de communication et d’échanges entre au moins deux parties et dont l’objet concerne l’organisation d’une relation ou le règlement d’une problématique entre elles.
Le processus de négociation s’inscrit donc soit dans un rapport de coopération entre les parties ou soit dans un rapport de compétition. Lors d’une négociation, une alternance entre ces deux types de rapports peut advenir.
Dans les négociations commerciales, plusieurs éléments centraux ou influents sont à prendre en compte : un environnement analysé, une méthodologie adaptée, un comportement assertif, une communication factuelle, un cadre juridique actualisé et bien entendu un ou des enjeux spécifiés.
Il est utile de rappeler que chaque négociateur a ses propres objectifs, divergents de ceux de l’autre partie, et que, grâce à des arguments de convergence, le résultat obtenu doit satisfaire les intérêts réciproques. Nous sommes donc bien dans une relation d’interdépendance qui sous-tend le fait que chaque partie a, a priori, besoin de l’autre.
Un consensus doit être trouvé, ce qui implique que, dès le départ de la négociation, chacune des parties soit en accord avec la notion de concession ou de contrepartie.
La négociation : un processus en plusieurs étapes
La négociation répondant à des schémas communicationnels spécifiques, l’exercice peut se déconstruire (et donc se préparer) selon quelques principes clés appelés les « 6 C » :
- Construire
- Contact
- Connaître
- Convaincre
- Conclure
- Consolider
1. Construire : la préparation de la négociation
Durant cette phase, le négociateur doit construire et enrichir ses informations : négocier n’est pas marchander. Elle nécessite une préparation adaptée à chaque situation. En aucun cas la négociation s’appuie-t-elle sur l’improvisation.
Les 3 règles pour réussir une négociation sont :
- 1 : bien se préparer
- 2 : bien se préparer
- 3 : bien se préparer
À titre d’exemple, lors de cette phase, les éléments à prendre en compte peuvent être l’environnement, l’historique, les enjeux, les pouvoirs réciproques, la technique de négociation, la méthodologie incluant les objectifs, les arguments, la stratégie adaptée, les solutions de repli… Plus les participants ont conscience de ces paramètres, plus la négociation peut être précise.
2. Contact : l’accueil, la relation
La négociation est une affaire de relationnel. Il s’agit de maîtriser ce rapport en adoptant une approche appropriée. Mais comment définir cette approche idéale ?
On distingue deux types d’approches en négociation :
- approches à prédominance compétitive. La plus connue est la « négociation par position ». Chacun part d’une position, et par concessions réciproques arrive à une zone d’accord, puis à un point d’accord. Ainsi, cette approche privilégie le résultat plutôt que la relation ;
- approches à prédominance coopérative. On y retrouve principalement la « négociation raisonnée de Harvard » fondée sur la prise en compte des intérêts des différentes parties. Cette approche privilégie la relation.
3. Connaître : l’art du questionnement
Après recensement des zones d’ombres identifiées lors de la phase 1, le négociateur va s’informer afin de mieux comprendre la position de l’autre partie. Il dispose pour cela de plusieurs méthodes de questionnement telles que :
- ouvertes pour faire s’exprimer l’autre ;
- fermées pour préciser certains points ;
- alternatives pour clarifier les positions.
Cette phase peut permettre aussi de valider les arguments préparés et ainsi de s’assurer d’envisager la négociation par le bon angle.
Important : qui pilote ? Qui anime ?
4. Convaincre : la colonne vertébrale de la négociation
Parvenu à cette étape, le négociateur va déployer sa méthodologie et s’appuyer sur sa préparation : objectifs, arguments, objections, parades aux objections, solutions de repli…
En matière de comportement, pratiquer l’assertivité – ou affirmation de soi – permet d’une part de crédibiliser le négociateur qui s’est bien préparé, et d’autre part de se centrer sur le résultat à obtenir et non sur l’interlocuteur. Pouvoir exprimer clairement nos besoins, nos sentiments, savoir dire non… L’affirmation de soi est avant tout un savoir-être et un savoir communiquer. Ils sont en effet essentiels pour garder un dialogue ouvert et aboutir à la négociation. En effet, si l’une des deux parties se braque, il devient plus compliqué d’avancer vers son objectif.
5. Conclure (closing)
Lorsque l’objectif est atteint, le négociateur est à même de conclure. Il va provoquer la conclusion, et résumer – reformuler – les décisions et les accords.
Les conclusions peuvent être séquentielles, en fonction des différentes thématiques abordées durant la négociation, et/ou globales.
Existent différentes tactiques de conclusion en fonction de la nature de la négociation et des relations entre les parties : résumer les bénéfices, lever une hésitation avec un dernier avantage, la visualisation…
6. Consolider : la relation et son cadre
Le contrat est la formalisation des accords négociés. Au-delà des points opérationnels, il décrit les obligations juridiques diverses liées à la nature de la négociation et à l’exécution des obligations contractuelles. Au-delà des obligations des parties sont indiquées des sanctions, négociées lors des différents échanges, exprimées sous forme de clauses punitives ou de clauses incitatives.
Le contrat est le garant juridique des obligations de chacune des parties et la consolidation se fera d’une part par le respect de ces obligations et d’autre part par le suivi permanent des engagements réciproques.
Négocier au téléphone
Le téléphone n’est pas l’outil idéal pour mener à bien une négociation. Une grande partie des éléments constitutifs de la communication interpersonnelle s’efface (tels que le paraverbal ou la gestuelle).
Le contexte sanitaire impose certains aménagements. Il faut faire preuve d’agilité et s’adapter.
Si négocier en face-à-face exige une certaine aisance gestuelle et une bonne communication, la négociation téléphonique, quant à elle, ne se résume pas qu’à un simple échange empirique.
Règle d’or : ne jamais négocier sur un appel de l’autre partie. Lorsqu’elle vous appelle, c’est qu’elle est prête. Son dossier est ouvert sous ses yeux incluant sa check-list et ses curseurs. La négociation ne peut donc débuter pour diverses raisons :
- vous n’êtes pas prêt ;
- l’asymétrie du pouvoir est trop grande pour être facilement compensée.
Il faut donc s’accorder sur un rendez-vous téléphonique qui permettra de rééquilibrer la situation.
Le meilleur choix dans la négociation à distance est la visioconférence, ou équivalent, qui permet de revenir en partie aux conditions du face-à-face.
Mais la situation la plus favorable à la négociation reste la présence en « face à face » des négociateurs…
Les enjeux d’une négociation demandent bien souvent une préparation minutieuse. Le négociateur ne doit jamais perdre de vue l’ensemble de la situation, la sienne comme celle de son interlocuteur, et doit donc s’adapter en conséquence. La crise sanitaire et l’obligation de distanciation physique redistribue les cartes de cet exercice complexe, mais un bon négociateur sait tirer parti des outils à sa disposition en toutes circonstances.