Le charisme est l’un des piliers du leadership : jusque-là, tout le monde est d’accord. Mais, qu’est-ce que le charisme exactement ? En quoi peut-il aider le manager dans l’exercice de sa mission ? Et si l’on n’est pas né « charismatique », comment développer ce talent ? Éléments de réponse avec Julien Haucourt, expert en management et communication.
Le charisme, c’est quoi ? Chacun en a sa propre définition. Une aura, de la prestance, de la confiance en soi ou encore de l’aisance à l’oral. Le charisme est une qualité que possèdent les leaders mais qui reste difficile à cerner. En grec ancien, kharisma signifie « don, faveur, grâce d’origine divine ». Au début du XXe siècle, le sociologue allemand Max Weber le définit comme l’« autorité d’un chef, ressentie comme fondée sur certains dons surnaturels, et reposant sur l’éloquence, la mise en scène, la fascination, etc. ».
D’une part, le charisme des managers et leaders modernes serait donc lié à une qualité de communicant. D’autre part, il dépendrait aussi de la perception de l’interlocuteur ou observateur de la personne charismatique. Une certitude : le manager charismatique dégage avant tout de la confiance. Il est à l’aise et met à l’aise ses interlocuteurs. Généralement, la personne charismatique est enthousiaste, motivée, éloquente, visionnaire et sensible aux autres. Des qualités, savoir-être ou encore soft skills intimement liées au leadership.
Le charisme managérial, à quoi ça sert ?
Le charisme permet au manager de convaincre, guider et emmener son équipe vers un objectif précis avec plus de facilité. Rien d’étonnant donc à ce que ce soit la première qualité recherchée chez un manager.
Et si l’on prend pour exemple des dirigeants, ceux qui ont le plus marqué leurs salariés sont ceux qui savent dire bonjour et prennent le temps de venir les voir pour s’enquérir de leur forme. Non pas dans une stratégie de bienveillance planifiée, mais bien par authenticité et sincérité de cœur.
Ainsi, André*, ex-directeur dans l’industrie, était reconnu pour ses qualités humaines. L’attention qu’il portait à l’ensemble de ses salariés boostait son charisme et faisait de lui un leader incontesté. Sa méthode ? Aller à la rencontre de ses collaborateurs, sur les lignes de production, dès que son emploi du temps le lui permettait. Il gardait ainsi un lien fort avec les opérationnels et le terrain.
Autre exemple : Fabrice*, responsable RH de transition, a l’habitude d’occuper des postes qui éveillent naturellement la méfiance des salariés. Et pour cause : il intervient généralement en période de troubles. Sa méthode : passer systématiquement deux à trois semaines en immersion auprès des collaborateurs pour mieux appréhender leur quotidien. Ce mode de fonctionnement lui permet de cerner rapidement les enjeux réels et, surtout, de faciliter la communication avec ses différents interlocuteurs grâce à une légitimité relationnelle.
Ces deux leaders ont donc une première qualité en commun : l’écoute, indispensable à une bonne communication. La seconde consiste en une capacité à influencer grâce à une légitimité reconnue.
Avantages et inconvénients du charisme managérial
Le charisme managérial permet d’asseoir son leadership, et donc sa légitimité. C’est un indéniable avantage pour tout manager qui veut faire progresser son équipe. Et ce, d’autant plus à une époque où l’individualisme prévaut, une tendance qui devrait se confirmer avec l’arrivée des nouvelles générations sur le marché du travail.
Mais le charisme managérial peut-il aussi présenter des inconvénients ?
Au-delà des guerres d’égo qui sévissent encore trop souvent dans toute structure humaine, le véritable inconvénient du charisme managérial est pour l’employeur. Lorsqu’un manager charismatique quitte son poste pour d’autres fonctions ou d’autres structures, il peut être difficile de le remplacer. Les grands leaders laissent une trace et marquent de leur empreinte les équipes et travaux qu’ils ont pu encadrer. Dans une époque d’uniformisation des pratiques, cela peut sembler contreproductif. Il n’en est rien.
En effet, pour surmonter le défi du remplacement d’un manager charismatique, l’entreprise a plusieurs options :
- D’abord, encourager la collaboration et la transmission des valeurs organisationnelles tout au long de la structure hiérarchique. L’objectif : anticiper pour atténuer l’impact du départ d’un leader charismatique.
- Mais aussi, investir dans la formation des collaborateurs pour s’assurer une réserve de leaders potentiels. Ils seront prêts à prendre la relève et à perpétuer la vision et la culture de l’entreprise.
4 clés pour développer son charisme
Certaines personnes semblent dotées d’un charisme « naturel » ou inné. Mais, en réalité, cela s’apprend. Bonne nouvelle : tout le monde peut développer son charisme !
1 – Des valeurs, une vision
Sachez où vous allez et soyez vous-même, fidèle à vos valeurs. La vision et l’intégrité font partie des composantes premières du leadership, selon Brian Tracy, écrivain, conférencier et consultant spécialiste du développement personnel. Dans les faits, personne n’a envie de suivre un manager qui semble naviguer à vue et en eaux troubles.
2 – L’assertivité
Affirmez-vous, dans le respect d’autrui.
Daniel*, manager dans le marketing, avait beaucoup de difficultés à s’affirmer et à se positionner. Se trouvant entre la direction et ses collaborateurs, il avait la sensation d’être « entre le marteau et l’enclume ». Son manque d’assurance et de prise de position le décrédibilisait aussi bien auprès de son équipe qu’auprès de sa direction. Une formation en assertivité lui a permis de trouver un meilleur positionnement.
Exemples de comportements assertifs :
- Savoir dire non
- Oser dire « je », ne pas se cacher derrière « nous » ou « on »
- Prendre l’initiative de clarifier toute situation qui semble compliquée ou tendue
- Poser des questions
3 – Une bonne préparation
Préparez-vous ! Être à l’aise en toute circonstance demande du travail et de la préparation. Pour se sentir en confiance, il faut d’abord maîtriser son sujet.
Quelques bonnes pratiques pour bien se préparer
1/ Pour prendre la parole en public
Par exemple :
- Connaître son public : qui sera votre auditoire, ses attentes, ses connaissances préalables et ses préoccupations ? Vous pourrez ainsi adapter votre discours en fonction de ces informations.
- Définir un objectif clair : quel est le message principal que vous souhaitez transmettre ? Assurez-vous en amont que votre discours a un objectif précis : convaincre, rassurer…
- Prévoir les questions possibles : anticipez les questions que votre auditoire pourrait poser et préparez des réponses appropriées. Vous serez plus confiant et cela se verra.
À noter : l’impro, ça se prépare !
Même une prise de parole qui semble pouvoir s’improviser se prépare, surtout quand on manque d’habitude.
2/ Pour adopter la bonne posture
Par exemple :
- Toujours se mettre dans un état d’esprit positif avant d’entrer dans une pièce.
- Se répéter « Super ! Super ! Super ! » avant de rencontrer quelqu’un. C’est un des conseils de Nicholas Boothman dans son ouvrage « Convaincre en moins de 2 minutes ».
Cet état d’esprit positif se lira sur votre visage.
4 – La communication non verbale
Posture, regard… La communication non verbale est essentielle pour le leader charismatique. Dans les cultures occidentales, le plus souvent, un regard fuyant est synonyme de peur, de dissimulation ou de malaise. Alors, regardez vos interlocuteurs !
Exemples :
- Émilie*, manager administratif, gérait difficilement la pression et ses émotions. Sa posture s’en trouvait entachée, tant elle prenait des allures de victime. Un travail de sophrologie et de prise de parole en public lui a d’abord permis de modifier cette posture, pour le bien de son équipe et les performances de chacun. Elle a aussi repris le contrôle de son corps grâce à la respiration. Enfin, son travail sur la posture, notamment la verticalité, lui a permis de mieux occuper l’espace et de gagner en stabilité physique et émotionnelle.
- Sylvain*, expert en excellence opérationnelle, avait un défaut de posture et de regard qui renvoyait aux autres la sensation d’une attitude désagréable. En modifiant l’inclinaison de sa tête lorsqu’il prend la parole, puis en travaillant sur la connexion au regard de l’autre, il a complètement modifié l’impression qu’il renvoyait lors de ses prises de parole. Il a ainsi pu regagner confiance en lui.
Bien que les avis divergent sur les fondements du charisme, difficile pour un manager de s’en passer aujourd’hui. Le leadership charismatique facilite la mission du manager, agissant comme un véritable booster de relations humaines. Reste que le charisme n’apparaît pas d’un coup de baguette magique. Au contraire, il s’appuie sur des soft skills qui s’apprennent sur la durée et se renforcent avec l’expérience. Pour conclure, la sincérité, l’authenticité et une communication adaptée sont les meilleures fondations pour un leadership charismatique et efficace.
*Les prénoms ont été modifiés pour conserver l’anonymat des participants.