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IA : gardez le contrôle de vos données !

Publié le 7 juillet 2025
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L’intelligence artificielle révolutionne votre entreprise… et menace vos données sensibles ! Portefeuille clients, chiffres financiers confidentiels, données personnelles des salariés : entre risques juridiques, fuites de données et shadow AI, comment exploiter l’IA sans perdre le contrôle ? Découvrez des stratégies concrètes pour sécuriser votre patrimoine informationnel à l’ère de l’IA.

Illustration article Contrôle des données à l'ère de l'IA

L’intelligence artificielle s’impose dans tous les secteurs d’activité, promettant des gains de productivité. En 2024, 67 % des TPE et PME européennes utilisaient déjà des outils d’IA, un chiffre tiré par le boom de l’IA générative.  

Mais cette révolution s’accompagne d’un enjeu critique : la protection des données sensibles. Qu’il s’agisse d’informations clients, de chiffres financiers confidentiels ou de données personnelles des salariés, 31 % des entreprises considèrent la confidentialité des données comme le principal obstacle à l’adoption de l’IA (Baromètre TPE-PME 2024, Quonto).

Le défi est donc de taille : exploiter l’IA tout en respectant un cadre législatif exigeant et en sécurisant votre patrimoine informationnel. Comment garder le contrôle de vos données à l’ère de l’IA ?

Les nouveaux risques liés à l’IA

L’IA introduit de nouveaux vecteurs de risque qui exigent une nouvelle grille d’analyse. En effet, la menace ne se limite plus aux cyberattaques traditionnelles.

La fuite de données par l’usage (data leakage)

C’est le risque le plus immédiat et insidieux. Lorsqu’un collaborateur, désireux d’utiliser l’IA pour faciliter son travail, soumet un email client, un extrait de contrat, des résultats financiers ou un CV à une IA publique comme ChatGPT ou Gemini, la donnée quitte le périmètre de sécurité de l’entreprise.

Ces informations peuvent être réutilisées pour entraîner les modèles, entraînant une perte de contrôle sur la propriété intellectuelle.

Les salariés souvent à l’origine des fuites

Une étude de 2023 a révélé que 4,2 % des employés d’un panel de 1,6 million de personnes avaient tenté de soumettre des informations confidentielles ou réglementées à un chatbot d’IA, générant des fuites de codes source, de données clients ou de documents sensibles.

Des cas concrets incluent un cadre qui a copié un plan stratégique interne dans ChatGPT pour en obtenir une présentation, et un médecin y a saisi le nom et le dossier médical d’un patient afin de rédiger une lettre.

Autre statistique qui montre l’ampleur du phénomène : depuis début 2025, les incidents de fuite de données liés à l’IA ont été multipliés par 2,5, selon Palo Alto Networks. Et 14 % des incidents de sécurité sont directement imputables à des applications d’IA générative.

Face à cette menace, les entreprises font preuve de prudence et la majorité envisagent des mesures radicales : selon un sondage BlackBerry, 82 % des entreprises françaises envisageaient d’interdire l’utilisation de ChatGPT et autres IA génératives sur les outils de travail, principalement en raison des risques pour la sécurité des données et la vie privée (motif cité par 62 % d’entre elles). Près de la moitié craignent aussi l’impact potentiel sur leur réputation.

Pourtant, d’après la présidente de la CNIL, 80 % des grandes violations de données auraient pu être évitées avec des mesures de base telles que la double authentification, la détection des extractions massives et une meilleure sensibilisation des salariés. Il est donc indispensable de mettre en place des garde-fous pour profiter de l’IA sans exposer son capital informationnel.

Le shadow AI ou l’usage clandestin de l’IA

Ce phénomène, de plus en plus fréquent, désigne l’utilisation par les salariés d’outils d’IA générative sans qu’elle soit encadrée ou déclarée au département informatique ou à la hiérarchie.

Près de la moitié des salariés français utilisent des outils d’IA générative à usage professionnel sans en parler à leurs employeurs.

Ils sont même deux fois plus nombreux à recourir au « shadow AI » qu’aux solutions d’IA fournies par leur entreprise !

Cette utilisation clandestine, souvent motivée par un manque de compréhension des usages possibles ou un manque de formation interne, expose involontairement des informations privées ou sensibles et multiplie les incidents de fuite de données. Elle crée également un angle mort pour la cybersécurité et peut entraver la transformation organisationnelle à l’échelle.

L’inférence de données sensibles (Inference Attacks)

Un modèle d’IA, même entraîné sur des données anonymisées, peut parfois « recréer » ou inférer des informations personnelles à partir de questions astucieuses et répétées.

Pour en savoir plus, lisez notre livre blanc :

Le prompt hacking et l’injection de commandes

Il s’agit de manipuler les instructions données à l’IA pour lui faire ignorer ses barrières de sécurité, pouvant potentiellement forcer l’IA à exfiltrer des données auxquelles l’utilisateur initial ne devrait pas avoir accès.

L’opacité des « boîtes noires »

Pour de nombreux modèles d’IA complexes, il est extrêmement difficile de comprendre précisément comment ils sont arrivés à une conclusion, posant un défi majeur pour démontrer la conformité et l’absence de biais discriminatoire.

Un cadre législatif et réglementaire de plus en plus strict

L’accélération de l’IA intervient dans un environnement juridique déjà exigeant en matière de protection des données.

Le rempart du RGPD

En Europe, le Règlement général sur la protection des données (RGPD) s’applique dès qu’une IA traite des données personnelles, avec à la clé des sanctions pouvant atteindre 4 % du chiffre d’affaires mondial.

Il est crucial de comprendre que les obligations du RGPD s’appliquent pleinement à l’IA. Contrairement à une idée reçue, le RGPD n’empêche pas l’innovation en IA en Europe : il impose un cadre pour une innovation responsable. La CNIL a d’ailleurs publié en 2024 des recommandations concrètes pour développer des systèmes d’IA « privacy by design », c’est-à-dire respectueux de la vie privée dès la conception.

Parmi ces bonnes pratiques : définir une finalité claire au projet d’IA (pour éviter de collecter des données inutiles), déterminer une base légale adéquate pour chaque traitement (consentement, intérêt légitime, etc.), et désigner les responsabilités (êtes-vous responsable de traitement ou simple sous-traitant ?).

Le RGPD impose également la minimisation des données (n’utiliser que les données vraiment nécessaires) et la limitation de conservation. La CNIL rappelle que l’on peut entraîner un algorithme sur de gros volumes tout en respectant la minimisation, à condition d’écarter en amont toutes les données personnelles non utiles et de mettre en place des filtres techniques pour ne collecter que le strict nécessaire. De même, il convient de fixer une durée de conservation des données d’apprentissage cohérente avec l’objectif, quitte à anonymiser ou à agréger les données au-delà d’un certain délai.

Enfin, lorsqu’une IA présente des risques particuliers (données sensibles, grande échelle, personnes vulnérables concernées, usage innovant, etc.), réaliser une analyse d’impact sur la protection des données (AIPD) est fortement recommandé.

Cette étude permet de cartographier les risques (discrimination, violation de données, etc.) et de prévoir des mesures d’atténuation appropriées avant le déploiement effectif.

La CNIL sanctionne tout manquement au RGPD

La France, via la CNIL, veille au grain : en 2024, la CNIL a rendu 331 mesures correctrices dont 87 sanctions prononcées pour plus de 55 millions d’euros d’amendes. Le nombre de plaintes pour atteinte aux données a atteint un record (17 772 demandes en 2024). Les autorités ne tolèrent plus les manquements, y compris lorsqu’ils impliquent des systèmes d’IA.

En parallèle du RGPD, d’autres textes encadrent l’IA comme le tout nouveau Règlement européen sur l’IA (AI Act) qui classe les systèmes d’IA par niveau de risque et impose des obligations supplémentaires pour les IA dites « à haut risque ». Par exemple, une IA de ressources humaines ou médicales exige une certification de conformité et une gouvernance renforcée. Le message est clair : aucune entreprise, dans aucun secteur, ne peut se permettre de déployer de l’IA sans intégrer la conformité dès le départ.

Stratégies concrètes pour garder le contrôle de vos données

Face à ces enjeux, comment concilier innovation et sécurité ? Voici quelques stratégies concrètes à mettre en œuvre pour tirer parti de l’intelligence artificielle tout en gardant la maîtrise de vos données :

1. Mettre en place une gouvernance rigoureuse des données

Dressez l’inventaire de vos informations et classifiez les données sensibles (clients, finances, R&D, RH, etc.). Désignez des responsables (Chief Data Officer, référents “informatique et libertés”) et impliquez le DPO dès le début de tout projet exploitant des données personnelles.

Assurez-vous également que les nouveaux projets d’IA fassent l’objet d’un examen juridique (validation du DPO) et, le cas échéant, d’une analyse d’impact pour identifier en amont les risques et mesures de protection nécessaires. Des processus clairs encadrant la collecte, l’accès, le stockage et le partage des données permettent d’éviter bien des négligences.

2. Encadrer les usages de l’IA par des politiques internes

Établissez des règles claires sur ce qui est autorisé ou interdit avec les outils d’intelligence artificielle. Par exemple, interdisez aux utilisateurs de soumettre des données à caractère personnel ou des informations stratégiques dans des systèmes d’IA publics, et prohibez le recours à ces outils pour des décisions automatisées sans validation humaine. Listez les cas d’usage approuvés (ex : génération de textes marketing génériques) et ceux proscrits (ex : analyse de données client réelles via un service cloud non maîtrisé), puis faites valider cette politique par la direction pour qu’elle s’impose à tous.

3. Sensibiliser et former les collaborateurs

Aucune mesure technique ne sera efficace sans l’adhésion des employés. Organisez des formations pour expliquer les risques liés à l’IA (fuites de données, biais, etc.) et les bonnes pratiques à adopter. En pratique, rappeler quelques principes simples : ne jamais divulguer de données confidentielles dans une requête, vérifier les paramètres de confidentialité des outils utilisés, etc. Comme pour le phishing, il faut ancrer ces réflexes de prudence numérique chez chacun. La CNIL rappelle que la vigilance numérique est l’affaire de tous au sein de l’organisation.

4. Choisir des solutions d’IA sécurisées et maîtrisées

Pour les usages sensibles, envisagez d’internaliser vos modèles d’IA ou de recourir à des solutions hébergées localement plutôt que d’envoyer des données stratégiques sur des plateformes cloud grand public. En gardant l’IA on premise ou chez un prestataire européen de confiance, vous évitez que des informations critiques (dossiers clients, secrets industriels, plans stratégiques) ne transitent par des serveurs hors UE. Cette approche réduit aussi la dépendance vis-à-vis de fournisseurs étrangers et facilite la conformité. Des alternatives françaises émergent : par exemple, la start-up Mistral AI propose des modèles open source performants déployables sur votre propre infrastructure, permettant à une banque de garantir que ses données sensibles ne quittent pas le territoire national.

5. Renforcer la sécurité technique des données

Appliquez des standards de sécurité élevés à vos projets d’IA, comme pour le reste du système d’information.

Chiffrez les données sensibles tant au repos que lors des échanges avec les modèles. Activez la double authentification sur les accès aux bases critiques (la CNIL l’exige pour les fichiers de plus de 2 millions de personnes). Limitez strictement les accès aux informations confidentielles aux seuls personnels autorisés.

Déployez des outils de Data Loss Prevention pour bloquer les extractions anormales : certains logiciels savent détecter la présence de données sensibles dans une requête envoyée à un chatbot et peuvent la bloquer automatiquement. Auditez régulièrement vos systèmes d’IA.

En conclusion, garder le contrôle de vos données à l’ère de l’IA est un atout stratégique. Protéger les données n’est pas un frein à l’innovation ; au contraire, c’est un gage de confiance et de pérennité. Comme le souligne un expert, « la clé du succès résidera dans le choix et la mise en place des bons outils assurant la visibilité et le contrôle des applications d’IA ». Autrement dit, c’est en conservant la maîtrise – technique, organisationnelle et juridique – que vous pourrez exploiter l’IA de manière sereine. IA et protection des données peuvent et doivent avancer de pair pour assurer la réussite de votre entreprise dans la révolution en cours.

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