Dotations, abondements, coconstruction des parcours de formation, financeurs multiples… de nombreux dispositifs permettent de cofinancer le Compte personnel de formation (CPF) de vos collaborateurs. À cela s’ajoute le transfert des heures de DIF (Droit individuel à la formation) sur le CPF. Ce qui peut permettre au salarié de récupérer jusqu’à 1 800 € s’il est effectué d’ici au 30 juin. Communiquer sur ces deux volets, cofinancement du CPF et DIF, s’avère une stratégie gagnant-gagnant pour l’entreprise et vos salariés. Emmanuelle ROBERT, chef de projet OPCO et CPF chez ORSYS, nous présente les modalités applicables dans le secteur privé.
1 – Quel est le rôle de l’entreprise en matière de CPF ?
On pourrait penser que le Compte personnel de formation ne concerne pas l’entreprise dans la mesure où l’initiative de mobiliser le CPF pour financer une formation revient à la personne titulaire du compte. La plateforme Mon Compte Formation (application mobile et site Internet www.moncompteformation.gouv.fr) permet au titulaire du CPF de choisir et de payer – en toute autonomie – une formation avec les droits inscrits sur son compte individuel.
Pour autant, les entreprises ne sont pas écartées du dispositif. En effet, la loi a introduit une logique de coconstruction entre l’employeur et le salarié. Sous réserve d’un commun accord, le CPF permet donc de rapprocher les attentes des collaborateurs et l’intérêt de l’entreprise dans une logique gagnant-gagnant. L’entreprise a plusieurs cartes à jouer en matière de CPF. Elle peut, par exemple, autoriser les salariés à effectuer leur formation pendant le temps de travail. Elle peut aussi accepter de financer une partie de la formation. C’est le cas si le solde du CPF d’un collaborateur s’avère insuffisant pour financer l’intégralité de la formation. Mais c’est surtout avec les abondements de coconstruction qu’elle peut agir de façon stratégique.
2 – Comment fonctionne l’abondement de coconstruction ? En quoi se distingue-t-il des dotations ?
Depuis septembre 2020, sur l’Espace des employeurs et des financeurs (EDEF), les entreprises peuvent attribuer des dotations à leurs salariés de façon dématérialisée. Cela consiste à verser, sur les CPF des salariés, des droits formation en complément de ceux acquis au titre de leur activité professionnelle. En quelques clics, les entreprises peuvent :
- participer à des projets de formation individuels ;
- allouer des droits supplémentaires à une partie ou à l’ensemble des collaborateurs ;
- effectuer des dotations liées à des obligations réglementaires ;
- verser des abondements correctifs.
Depuis décembre 2020, il existe un nouveau service sur la plateforme Mon Compte Formation. C’est le service des abondements de coconstruction ou encore le service des abondements automatisés. Ce service permet à un financeur d’automatiser sa politique d’abondement sur la base de critères prédéfinis et de crédits délégués à la Caisse des dépôts. Autrement dit, les employeurs peuvent cibler les financements sur des formations qui présentent un intérêt particulier pour l’entreprise. Cette politique d’abondement automatisé entre dans le cadre du dialogue social via un accord d’entreprise.
Plus précisément, les abondements de coconstruction permettent aux financeurs, notamment les employeurs et les régions, de :
1. choisir des critères qui seront automatiquement appliqués pour compléter les droits d’usagers ciblés
2. ou flécher les formations vers des métiers en tension
Il est ainsi possible de définir une ou plusieurs règles d’abondement conditionnant l’octroi d’un complément de financement parmi trois catégories de critères. Des critères liées au bénéficiaire, à la formation et au solde disponible sur le CPF de l’usager. En clair, l’entreprise maîtrise les abondements qu’elle met en place : elle peut cibler une population bénéficiaire et/ou des formations spécifiques. C’est également l’entreprise qui détermine les modalités de prise en charge financière. Il peut ainsi s’agir d’un montant maximal fixe ou d’un pourcentage du prix initial de la formation dans la limite d’un plafond, notamment.
3 – Une entreprise gagne-t-elle à communiquer sur le CPF ?
Oui, en effet. Faire connaître les différentes possibilités de cofinancement aux collaborateurs s’apparente à une stratégie gagnante. Il apparaît également judicieux de souligner, au moment de cette communication, que de nombreux autres financeurs, tels que les régions et les branches professionnelles, sont susceptibles d’y contribuer.
Le système de cofinancement automatisé se met en place de façon progressive. Pour le moment, trois régions ont signé une convention d’abondement avec la Caisse des dépôts :
- Pays de la Loire : il s’agit notamment d’encourager salariés et entreprises à profiter de la période de crise sanitaire pour se former, avec des critères liés au secteur d’activité et au type de formation ;
- Hauts-de-France : uniquement pour les demandeurs d’emploi ;
- Occitanie : la priorité va aux salariés de l’aéronautique.
Du côté des branches professionnelles, le processus est également enclenché. C’est l’OPCO Atlas qui a ouvert le bal pour répondre aux besoins de la branche des bureaux d’études techniques. D’autres branches se sont également rapprochées de la Caisse des dépôts en vue d’un conventionnement.
Certes, ce système de cofinancement bénéficie en premier lieu aux titulaires des comptes CPF. Il peut permettre aux collaborateurs d’obtenir des budgets complémentaires pour boucler leur projet de formation au lieu de le repousser, voire d’y renoncer. Mais il est aussi doublement bénéfique pour l’entreprise :
- d’une part, il fait “matcher” le projet de formation d’un salarié avec la stratégie de développement de l’entreprise ;
- d’autre part, il crée une enveloppe supplémentaire au sein des budgets de formation de l’entreprise.
Pour résumer, le CPF permet quand même à son titulaire d’acquérir 500 € par an avec un plafond de 5 000 € (800 € pour les personnes les moins qualifiées avec un plafond à 8 000 €). Des sommes à ne pas négliger et auxquelles peuvent s’ajouter de potentiels abondements d’autres cofinanceurs.
Enfin, la montée en compétences des collaborateurs est toujours bénéfique pour l’entreprise.
4 – Et pour le transfert des heures de DIF, est-il encore temps de communiquer auprès des salariés ?
Parfaitement ! C’est la dernière ligne droite pour le transfert des heures de DIF, auquel le CPF s’est substitué. Les salariés ont jusqu’au 30 juin pour déclarer leurs heures de DIF obtenues jusqu’en 2014 sur l’application Mon Compte Formation ou en ligne sur www.moncompteformation.gouv.fr.
Il est encore temps de le leur rappeler ! Ils doivent saisir leur solde d’heures de DIF, inscrit notamment sur le bulletin de salaire de décembre 2014. Si ce n’est déjà fait, il leur faut au préalable créer leur compte sur la plateforme. Il peut également être utile de leur faire savoir que les heures renseignées sont automatiquement converties en euros. Pour un salarié qui n’a jamais utilisé son DIF, cela peut représenter jusqu’à 1 800 €. Ce crédit complète les droits en euros déjà comptabilisés dans Mon Compte Formation et vient donc augmenter le pouvoir d’achat de formation.
Passé le 30 juin, les heures de DIF ne seront plus cumulables et seront définitivement perdues. S’il est difficile d’estimer le nombre de personnes concernées par la bascule d’ici à fin juin, l’enveloppe “DIF” restant à transférer sur Mon Compte Formation pourrait représenter entre 10 et 20 milliards d’euros au niveau national.