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Appels d’offres publics : comment se positionner ?

Publié le 11 janvier 2024
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En constante évolution, la commande publique est de plus en plus complexe en raison de la diversité des acteurs et des directives à suivre suivant l’activité. Dans ce contexte, connaître son interlocuteur est devenu une priorité pour de nombreuses entreprises qui veulent répondre à un appel d’offres public et le remporter. Alors, comment se positionner face à un acheteur public ? Quelles sont les bonnes pratiques pour répondre et remporter un appel d’offres public ? Les explications de Muriel Guillemot, spécialiste du management et de la gestion des achats.

Appels d'offres publics

Les appels d’offres publics sont des processus par lesquels les entités gouvernementales ou publiques (par exemple : le secteur hospitalier) sollicitent des propositions d’entreprises pour la fourniture de biens, de services ou de travaux. L’objectif : garantir la transparence, la concurrence et l’équité dans l’attribution des contrats publics. Les appels d’offres peuvent varier en taille et en complexité, allant des contrats locaux aux grands projets nationaux.

Mesurer l’enjeu des appels d’offres publics

En 2022, le montant des marchés publics a atteint le niveau record de 160 milliards d’euros. L’État et le secteur hospitalier pèsent pour 26,9 % de ces marchés, les collectivités territoriales 41,22 % et les autres acheteurs (entreprises publiques, entité adjudicatrices, etc.) pour 31,8 %. Par ailleurs, la part des clauses sociales et environnementales est en hausse (22,3 % contre 13,2 % en 2021 ; 29,2 % contre 18,7 %). Preuve que la commande publique intègre toujours plus le développement durable.

Dans ce contexte, les appels d’offres publics revêtent une importance stratégique pour les entreprises. Ils constituent en effet des opportunités commerciales, souvent avec des budgets importants, et offrent aux entreprises la possibilité de développer leur portefeuille clients. De même, remporter des contrats publics peut renforcer la réputation et la crédibilité d’une entreprise, démontrant sa capacité à répondre à des normes rigoureuses et à comprendre les clauses sociales et environnementales à inclure. Dans cette optique, il s’agit ainsi de se rapprocher des objectifs du Plan national pour l’achat durable 2022-2025 porté par le Commissariat général au développement durable (CGDD). Autre avantage pour les entreprises : l’accès à de nouveaux marchés géographiques ou sectoriels.

Savoir se positionner sur un marché public ne s’improvise pas. Cela demande d’avoir une réflexion en amont puis cela implique des démarches opérationnelles. Il s’agit d’abord de se poser les bonnes questions et de bien analyser le dossier de consultation des entreprises (DCE).

Comprendre les appels d’offres publics

Le DCE est le dossier délivré aux opérateurs économiques gratuitement par le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice dans le cadre de la passation d’un marché public. Il comporte l’ensemble des documents élaborés par l’acheteur public nécessaires à la consultation des candidats et à l’exécution du marché. Par exemple : le règlement de consultation (RC), le cahier des clauses administratives générales (CCAG).

Se familiariser avec le vocabulaire de la commande publique

AAPC : avis d’appel public à la concurrence
RC : règlement de la consultation
ATTRI1 : acte d’engagement (ex-DC 3)
CCAG : cahier des clauses administratives générales
CCAP : cahier des clauses administratives particulières
CCTP : cahier des clauses techniques particulières
DUME : document unique de marché européen
DPGF, BPU, DQE : documents financiers (décomposition du prix globale et forfaitaire, bordereau des prix unitaires, détail quantitatif et estimatif)

Cette documentation est souvent très détaillée. Il est donc crucial pour les entreprises de bien appréhender les éléments constitutifs du DCE afin d’y répondre de manière adéquate et compétitive. Elles doivent être à même de comprendre les exigences techniques, les délais, les critères d’évaluation ou encore les modalités contractuelles.

Identifier l’entité émettrice de l’appel d’offres

Il faut d’abord savoir à qui l’on va parler. Quelle personne avons-nous en face lors de la consultation ou l’appel d’offres ? S’agit-il d’un professionnel de l’acte d’achat ou d’un professionnel métier ?

Cette donnée est essentielle aux entreprises pour mieux comprendre le comportement de la cible, mieux appréhender et personnaliser leurs réponses, et peser sur l’intérêt stratégique à se positionner sur cet appel d’offres.

Il faut se demander si l’acheteur public a une connaissance de l’environnement métier. Mais aussi : a-t-il une double casquette de rédacteur de marché ? De quel secteur provient-il ? Est-il à l’écoute du marché ? Comment sont ses liens avec le prescripteur ? Toutes ces questions amèneront à un positionnement différemment : métier, juridique, économique ou tout à la fois.

« L’acheteur public doit avoir plusieurs casquettes. »

Une fois le prescripteur identifié, il est important de développer des relations constructives avec ce dernier. Et pour cause : plus on est proche de l’acheteur public, plus on pourra obtenir des informations sur l’appel d’offres en question.

Comprendre son objectif et ses besoins

Il faut également comprendre clairement en amont – et non pas au moment de la réponse – le but de l’appel d’offres et les besoins du client. Il ne faut pas se tromper dans l’expression du besoin. L’écueil à éviter : faire un copier-coller du cahier des clauses techniques particulières (CCTP).

Examiner les conditions de participation

Examinez les critères d’éligibilité, les exigences administratives et juridiques pour s’assurer de la conformité de l’entreprise. Ce qui nécessite de maîtriser les aspects documentaires et administratifs. Et surtout : de connaître les principes de la commande publique.

« Le commercial qui répond à un appel d’offres public doit comprendre la notion de stratégie d’influence ».

Examiner le calendrier de l’appel d’offres

Prenez connaissance des étapes à suivre pour soumettre une proposition, les formats requis, et les documents à fournir. Identifiez les dates clés : la date limite de réception des offres, la date d’ouverture des plis et les éventuelles réunions d’information.

Comprendre les critères d’évaluation

Analysez les critères sur lesquels les propositions seront évaluées : coût, compétences techniques, délais, etc.

Analyse du dossier de consultation : ce qu’il faut faire

Ressources nécessaires

Identifier les ressources humaines, matérielles, et financières nécessaires pour répondre aux exigences du dossier.


Compréhension approfondie

S’assurer d’une compréhension approfondie des besoins du client afin de formuler une proposition pertinente.


Conformité

Veiller à la conformité de chaque aspect de la proposition avec les exigences du dossier de consultation et du cahier des charges. Les erreurs ou omissions peuvent entraîner le rejet de la proposition.


Évaluation des risques

Identifier les éventuels risques et incertitudes associés à la réalisation du projet.

Une analyse minutieuse de ces éléments est essentielle pour formuler une proposition précise, compétitive et en conformité avec les attentes du client. Ce qui permettra ainsi à l’entreprise de maximiser ses chances de remporter le contrat.

Bien se préparer pour se positionner

Avant de rédiger la réponse à l’appel d’offres, il est important de suivre un certain nombre de bonnes pratiques pour bien se préparer et se positionner.

Sélection des appels d’offres publics

Établissez des critères pour sélectionner des appels d’offres pertinents en fonction de vos domaines d’expertise, de vos capacités et de votre stratégie commerciale. Par exemple : taille du contrat, localisation, conformité aux compétences de votre entreprise. Mettez en place un processus de filtrage pour évaluer rapidement la pertinence des appels d’offres identifiés.

« Le commercial doit qualifier, choisir et ne pas répondre à tous les appels d’offres. »

Veille régulière et concurrentielle

Mettez en place une veille régulière à partir de sources telles que les sites web gouvernementaux, les plateformes d’appels d’offres, les médias spécialisés et les réseaux professionnels. Effectuez aussi une veille concurrentielle pour comprendre les forces et les faiblesses des concurrents potentiels dans le cadre d’un appel d’offres spécifique.

Affectation des responsabilités

Attribuez des responsabilités claires à chaque membre de l’équipe, de la veille à la rédaction de la proposition. Par ailleurs, une personne référente dans l’entreprise doit disposer d’une vue d’ensemble. Par exemple : le directeur d’agence.

Qu’en est-il des PME et de la commande publique ?

Les PME disposent d’un avantage concurrentiel face aux autres entreprises. La clé : se positionner par rapport à leur cœur de métier. Pour répondre aux appels d’offres publics, elles peuvent aussi se faire aider par des cabinets. Les deux parties (PME et acteurs de la commande publique) peuvent d’ailleurs très bien se faire accompagner dans les méthodes d’achat. Par exemple, j’ai accompagné plusieurs membres de l’institut de cancérologie pour les faire monter en compétences sur les achats. Ils ont de fait à présent une double casquette : juriste et acheteur.

Contrôle qualité et respect des délais

Mettez en place un processus de contrôle de qualité interne pour vous assurer que la proposition est conforme et cohérente. Faites relire votre dossier par des parties indépendantes pour détecter d’éventuelles erreurs ou incohérences. Effectuez une vérification finale avant la soumission pour vous assurer que tous les documents requis sont inclus. Par ailleurs, assurez-vous de soumettre votre proposition en respectant les délais stipulés dans l’appel d’offres.

Comment rédiger une proposition « impactante »

Le respect des règles de présentation dans le cadre d’un appel d’offres est déterminant. Voici les bonnes pratiques à maîtriser lors de l’élaboration de votre réponse.

Compréhension complète des exigences

Assurez-vous de bien cerner les besoins du client en analysant minutieusement le cahier des charges, les spécifications techniques (CCTP) et administratives (CCAP) et les critères d’évaluation (RC). Il faut répondre à la lettre au CCTP. Utilisez la terminologie et le langage spécifiques du client pour démontrer que vous avez compris ses besoins.

Structuration claire du dossier

Organisez votre dossier de manière claire avec une table des matières détaillée pour faciliter la navigation.

Réponse ciblée et personnalisée

Adaptez votre proposition pour répondre spécifiquement aux besoins du client, en mettant en avant vos forces par rapport à ses exigences.

Résumé exécutif convaincant

Incluez un résumé exécutif mettant en avant les points forts de votre proposition de manière concise et convaincante.

Conformité aux exigences

Incluez une déclaration formelle de conformité, montrant que votre offre respecte toutes les exigences spécifiées.

Argumentation solide, clarté et concision

Appuyez chaque aspect de votre proposition avec des arguments solides, en mettant en avant votre expertise, expérience et capacités. Rédigez de manière claire et concise, évitez le jargon excessif, et assurez-vous que chaque phrase a un objectif clair.

Preuve de réussite antérieure

Incluez des études de cas ou des exemples concrets démontrant votre réussite dans des projets similaires.

Clarté financière

Soyez transparent sur la structure des coûts, les modalités de paiement et toute autre information financière pertinente.

Présentation professionnelle

Assurez-vous que le dossier est présenté de manière professionnelle, avec une mise en page soignée et des visuels pertinents.

Réponse à toutes les questions

Assurez-vous de répondre à toutes les questions posées dans le cahier des charges. Ne laissez aucune partie de la proposition incomplète.

Se différencier de la concurrence

Mettez en avant ce qui rend votre offre commerciale unique et meilleure que celles de la concurrence. Vous vous différencierez par le niveau de satisfaction, la performance, la RSE (responsabilité sociétale des entreprises). En d’autres termes :  soyez curieux, concis, rigoureux et en capacité de travailler votre différenciation.

Le suivi post-réponse

Après avoir soumis votre proposition, il est nécessaire de maintenir une communication proactive avec l’acheteur public pour obtenir des clarifications, si nécessaire. Qu’ils soient positifs ou négatifs, n’hésitez pas à analyser les retours d’information pour améliorer en continu votre processus de réponse aux appels d’offres. Même si la réponse est négative, les retours d’expérience permettront de réajuster ce qui n’a pas été.

Ce qu’il faut retenir : répondre à un appel d’offres public ne s’improvise pas. La façon dont on aborde un acheteur public est primordiale dans la réussite. Il faut comprendre les bonnes pratiques de la commande publique, ce qui peut simplifier la gestion de l’appel d’offres, et respecter les réglementations en vigueur. Toutefois, les entreprises privées doivent comprendre leur marge de manœuvre en fonction du secteur d’activité et adopter des pratiques efficaces auprès de tous les acteurs de la commande publique.

Notre expert

Muriel GUILLEMOT

Achats, supply chain

Consultante spécialisée en achats et en supply chain. Avec plus de vingt ans d'expérience dans ces domaines, elle est passionnée par […]

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